Centenaire de Vallotton

On associe à juste titre H. de Balzac et Daumier qui collaborèrent à “La Caricature” entre 1830 et 1835, notamment aux “Cent un Robert Macaire” (archétype du bourgeois capitaliste, personnage promis à un bel avenir).

On peut associer aussi étroitement Félix Vallotton à Alfred Jarry, en raison de leur collaboration étroite au “Canard sauvage” (1901) et de préoccupations communes, dont l’erreur judiciaire qui obnubilait Jarry. Ce dernier refusa cependant de soutenir la cause du capitaine Dreyfus comme la plupart de ses confrères, non pas parce qu’il croyait le célèbre capitaine coupable ou par antisémitisme, mais par antimilitarisme viscéral.

Une première histoire du trumpisme

L’essai de Maya Kandel récemment paru chez Gallimard ne tient pas sa promesse de nous éclairer sur les ressorts du trumpisme, qui est indéniablement le phénomène politique majeur du début du XXI^e siècle. “Une première histoire du trumpisme” déçoit pour trois raisons :

-La principale est que l’élection de D. Trump dès 2016 est avant tout une conséquence de la crise mondiale de 2008. M. Kandel n’insiste pas assez sur ce facteur majeur et la récurrence du populisme aux Etats-Unis depuis le début du XX^e siècle.

Au lieu d’élargir le champ d’observation, en quoi consiste le travail d’un historien, M. Kandel le rétrécit au marketing politique de D. Trump et ses principaux conseillers en communication, à commencer par Steve Bannon (dont les propos outranciers ont fini par incommoder Trump lui-même). Ce faisant M. Kandel accrédite le mensonge ou la propagande de S. Bannon selon laquelle “la politique est le produit de la culture”.

-M. Kandel ne mentionne pas que le sacrifice de l’utopie démocratique libérale par les partis institutionnels, sur l’autel de la politique impérialiste, a ouvert un boulevard dans lequel le populisme s’est engouffré ; D. Trump n’a pas eu beaucoup d’efforts à faire pour convaincre la classe moyenne durablement frappée par la crise que “l’Etat profond” fédéral se désintéressait de son sort.

L’utopie libérale démocratique est connue en France grâce à la fresque de Tocqueville “De la Démocratie”. L’aristocrate normand est peut-être le seul Français a jamais avoir été (sincèrement) enthousiasmé par le projet démocratique étatsunien. Plein d’espoir était Tocqueville, mais sans être d’un optimisme béat, puisqu’il avait entrevu le risque d’évolution oligarchique, employant le terme « d’aristocratie de l’argent » pour qualifier un régime contraire aux principes démocratiques. Tocqueville croyait dans l’adoucissement des mœurs démocratiques, à quoi la Guerre de Sécession infligera très tôt un démenti cinglant.

Significativement, l’utopie démocratique de T., d’inspiration rousseauiste, est une utopie anti-européenne, en rupture avec la formule politique de l’Etat moderne. T. ne se satisfaisait pas de l’Etat « tout-puissant », tel qu’il s’était imposé en France, malgré la Révolution bourgeoise et les aspirations des Lumières à la décentralisation. Cet aspect anti-européen se retrouve dans la révolution MAGA ; les électeurs de D. Trump sont enclins à voir dans les nations européennes des nations colonialistes belliqueuses, pour ne pas dire génocidaires.

Détail surprenant de l’analyse de M. Kandel, à la limite de la mauvaise foi, l’accusation lancée à D. Trump d’opposer systématiquement la fiction à la réalité. Ce procédé n’est pas celui de Trump, mais celui des Etats-Unis tout entier ! Les Etats-Unis sont une nation de plaideurs, et ils l’ont toujours été - l’effet de manche l’emporte sur la vérité. A qui D. Trump doit-il demander la permission de s’affranchir de la réalité ? A Hollywood ?

Chappatte est partout !

Le caricaturiste (quasi-officiel) de l’OTAN et de l’OMS, Patrick Chappatte, impressionne par la quantité et la variété de ses contributions ; tandis que Bernard-Henri Lévy n’a qu’à faire traduire ses harangues en six langues, le caricaturiste, lui, doit adapter son humour aux publics français (“Le Canard enchaîné”), suisse (“Le Temps”), allemand (“Der Spiegel”), et naguère new-yorkais (“The New York Times”). En dépit de la standardisation de l’humour, ce n’est pas une sinécure !

Chappatte est un bon connaisseur de la vie politique étatsunienne, qui focalise l’attention du public bien au-delà, puisque le président des Etats-Unis s’exprime “Urbi & Orbi”.

La caricature ci-dessus illustre le déploiement par D. Trump de la garde nationale dans plusieurs mégapoles démocrates ; Chappatte “oublie” juste un détail : pour faire la guerre civile de Sécession, il faut être deux, et les démocrates savent très bien viser eux-aussi.

Charb au Panthéon ?

On pourrait croire à un poisson d’avril si le printemps n’était encore loin. Son confrère et successeur Riss ne pouvait manquer de soutenir le voeu exprimé par la famille de Charb de voir sa dépouille transférée au Panthéon, compte tenu de la perte d’une partie de ses facultés humoristiques dans les circonstances dramatiques que l’on sait.

Il est vrai que Charb a accompli plusieurs miracles, diront ses plus fervents défenseurs (Zébra en compte quelques-uns parmi ses abonnés) : le plus éclatant est d’avoir, par son martyre, sauvé “Charlie-Hebdo” de la faillite ; le deuxième est d’avoir suscité un mouvement de recueillement national, comme la France n’avait pas connu depuis la mort de Victor Hugo ; le troisième est d’avoir dessiné un pamphlet contre le Coran sans être islamophobe.

Le sexe ne fait plus rêver

L’ensemble de la classe politique a entériné la décision d’introduire dans le cursus scolaire des cours « d’éducation sexuelle ». D’après un petit sondage exclusif Zébra (réalisé bien sûr sans l’aide d’aucun huissier de justice), seuls les lecteurs du « Meilleur des Mondes » (1932) seraient abasourdis par une telle mesure, portée par Elisabeth Borne avec son dévouement habituel de nonne-soldat.

L’affaire Bastien Vivès souligne la difficulté d’un tel programme éducatif, le risque de chahut qu’il comporte : aucun consensus n’existe en effet sur ce qu’est une sexualité « normale » et « saine ». A l’occasion des échanges très vifs sur les réseaux sociaux entre les défenseurs et les détracteurs du bédéaste, on a pu voir que la psychanalyse freudienne, qui n’encourage pas l’inceste mais la banalise, est loin de faire l’unanimité au XXI^e siècle (l’académie de médecine ne lui accorde pas plus de crédit, au demeurant, en l’absence de preuve de son efficacité thérapeutique).

Dernier opus de Bastien Vivès, « Et en plus ça vous fait rire ! » (éd. Charlotte, 2025) persiste à vouloir faire rire de situations sexuelles ou amoureuses scabreuses, tout en évitant soigneusement le thème de la pédophilie (merci à B. Vivès de ne pas encombrer les prétoires, déjà bondés). La comparaison avec Martin Veyron, qui a publié de nombreuses BD humoristiques sur l’évolution des mœurs sexuelles, est intéressante : M. Veyron, comme Claire Bretécher, se focalisait sur les mœurs progressistes de la bourgeoisie parisienne, tandis que B. Vivès tire, lui, le sel comique de l’américanisation croissante des mœurs. Riad Sattouf dans « No Sex in New York » (2004) était plus direct, montrant comment la compétition capitaliste déteint sur les rapports amoureux. Le « masculinisme » à la mode depuis quelques années aux Etats-Unis est avant tout un mouvement consumériste, qui traduit l’éclatement de la société en associations de consommateurs rivales.

Expo. Idées noires

Nicoby a été chargé d’une expo. dédiée aux Idées noires de Franquin, visible au prochain festival de BD de Saint-Malo (24-26 oct.) : “Franquin SA fournit un lot de 19 demi-planches des Idées noires, un lot de croquis (retrouvés par Isabelle Franquin) et on a demandé quelques planches complémentaires pour faire un petit rayonnement sur le reste de l’oeuvre. (…)”

Caricatures fraîches par Piérick (“Fakir”), Tommy (“Facebook“), Delestre (“Facebook), Livingstone (“Facebook”) & Zombi (“Zébra”) :

Le fanzine Zébra du mois d’octobre vient de paraître ! (pour s’abonner -28 euros/an- écrire à [email protected])