REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°122

Caricature par Wolinski (“L’Echo des Savanes”).

Hommage posthume

La galerie Huberty & Breyne (Paris VIIIe ) organise une expo-vente des dessins de Georges Wolinski, dix ans après le massacre de la rédaction de « Charlie-Hebdo » pour des raisons encore confuses (- Y avait-il un commanditaire ? - Pourquoi Charb était-il particulièrement visé ?).

A quelques exceptions près, la caricature ne paie pas ou paie mal : elle n’a pas le caractère décoratif, ni le caractère spectaculaire, ni même le caractère fétichiste des planches de bande dessinée ; qui voudrait « posséder » un Wolinski à tout prix ? On attendra plutôt la prochaine publication de son anthologie.

Exhibant des femmes à poil comme on ne peut plus le faire aujourd’hui sans accompagner cette exhibition d’un discours d’une tartufferie multi-couches, les bandes dessinées de Wolinski se vendaient en revanche comme des petits pains, à l’instar de celles de son confrère Reiser, très vendeur lui aussi. Cela faisait enrager F. Cavanna, qui avait fondé « Hara-Kiri » pour s’attaquer aux valeurs bourgeoises, et non pour faire l’apologie de la pornographie.

Les grands artistes qui n’ont pas introduit sous divers prétextes des femmes à poil dans leurs toiles pour doper leur carrière et assouvir les fantasmes de riches clients ne sont pas légion.

La caricature n’enrichit donc qu’exceptionnellement les caricaturistes (André Gill est un contre-exemple, mais il tira la caricature vers le spectacle) ; ils peuvent se consoler en entrant dans les livres d’Histoire, parfois, comme Daumier ou la bande de Cavanna.

Charlotte après Charlie

Produit par Vincent Bernière, le nouveau mensuel de bande dessinée « Charlotte », qui publie un mélange de nouveautés et d’antiquités, se veut un clin-d’œil féministe à « Charlie-Mensuel » ; il reprend lui aussi le nom d’un personnage des Peanuts-Snoopy par Charles Schulz, une petite fille bougonne sacquée par l’éditeur car elle ne correspondait pas au goût du public américain.

Parallèlement à « Charlie-Hebdo », « Charlie-Mensuel », sous la houlette de G. Wolinski, se faisait fort de faire découvrir au public français la bande dessinée humoristique politiquement ou moralement incorrecte.

Mais, avec une telle « Une » (par Chris Ware), on peut se demander si ce n’est pas le robot qui est l’avenir de l’homme, plutôt que la femme.

Simonetta contre Géricault

Abel Quentin, dans l’hebdomadaire « Marianne » (3-9 oct.), consacre une page au peintre David Simonetta, qui a installé son chevalet dans un hôpital psychiatrique pour y faire le portrait de ses pensionnaires. « Mais crudité n’est pas voyeurisme ; Simonetta cite, comme contre-modèle, Théodore Géricault (1791-1824), qui peignait les malades et les aliénés « comme on va à la foire ».

N’est-ce pas un peu charger la mule que d’accuser Géricault de peindre les aliénés « comme on va à la foire » ? Le XIXe siècle a beaucoup scruté la folie, criminelle ou non, jusqu’à S. Freud, pour tenter d’y apporter un remède. Le XIXe siècle a échoué, mais le XXe siècle n’a pas fait beaucoup mieux en la matière ; certaines substances chimiques antipsychotiques permettent de contenir les crises, mais elles ne sont pas curatives.

Le divorce entre l’art comme pratique scientifique et la science n’avait pas encore eu lieu du temps de Géricault, qui apportait là sa contribution à l’anatomie de la folie. Le peintre est connu pour s’intéresser à tous les sujets, y compris les moins académiques ; ses ressources financières limitées le poussèrent à explorer divers domaines ; de ce point de vue-là, Géricault est l’opposé de Delacroix, pourtant plus jeune mais qui s’efforce de maintenir la dignité de la peinture d’Histoire, malmenée dans une époque « d’agioteurs ». Comme portraitiste, Géricault est supérieur (meilleur dessinateur que Delacroix), bien qu’il ait préféré peindre les chevaux plutôt que les hommes.

La « monomanie du jeu », peinte par Géricault, est d’ailleurs une folie qui dépasse très largement le cadre des asiles de fous.

NB : Expo. Simonetta à Etampes (Essonne) à l’Espace Déclic jusqu’au 9 nov.

Christin, de la SF à Orwell

Le scénariste Pierre Christin, mort au début du mois d’octobre à l’âge de 86 ans, a marqué la bande dessinée de science-fiction de son empreinte, puisqu’il écrivit plusieurs séries à succès, en collaboration avec les dessinateurs J.-C. Mézières (L’agent spatial Valérian) et E. Bilal.

On peut quand même se demander si, comme le cinéma fait très souvent, l’œuvre de P. Christin n’édulcore pas le propos subversif d’Aldous Huxley, dont la célèbre anti-utopie « Brave New World », pose l’équation de la culture libérale industrielle et de la culture nazie.

Bien sûr P. Christin ne se situe pas du côté de la propagande industrielle, en quoi consiste une bonne partie de la littérature de science-fiction, à commencer par Jules Verne ou Tintin & Milou (le Pr Tournesol refuse cependant de produire des armes de destruction massive comme Oppenheimer ou l’URSS), mais son propos n’est pas non plus « orwellien », quoi qu’une biographie tardive (2019) d’Orwell par P. Christin puisse le laisser penser.

Valérian, agent spatial, dessiné par J.-C. Mézières.

Quelques caricatures fraîches par Rémy Cattelain (“Facebook”), Charmag (“L’Encatané“), Micaël (“Marianne”), Marian Kamensky (Autriche), Riss (“Charlie-Hebdo”) & Zombi (“Zébra”) :

par Rémy Cattelain.

par Charmag.

par Marian Kamensky.

par Riss.

par Zombi.