REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°133

“Siné-Mensuel” n°149 (mars-avril 2025)

Baroud d’honneur

Le baroud d’honneur de Siné s’achève avec cet ultime numéro 149 de « Siné-Mensuel » (mars-avril 2025) ; la veuve du caricaturiste, Catherine Sinet, assistée de sa famille et de ses proches, auront prolongé de neuf ans le défi du caricaturiste, piqué au vif de s’être fait virer de « Charlie-Hebdo ».

Celle-ci a tenu à rappeler dans quelles circonstances Siné a été évincé : après avoir ironisé dans une chronique parue en juillet 2008 sur la conversion au judaïsme d’un des fils de N. Sarkozy, Siné avait été taxé d’antisémitisme par des « confrères » journalistes, et la Licra avait même déposé une plainte pour incitation à la haine raciale contre le dessinateur (la Ligue sera déboutée).

La bande à Siné a attribué au maléfique Philippe Val ce procès d’intention sournois, mais la méthode a été répétée plusieurs fois depuis, contre le candidat François Fillon et son équipe de campagne, puis contre le mouvement des Gilets jaunes, et de nouveau contre un caricaturiste de « Siné-Mensuel ». Il semble qu’il y a plutôt là une nouvelle formule du maccarthysme, définissant les contours du « camp du bien » (rappelons que le sénateur McCarthy mobilisa de façon assez efficace, au début des années 1950, une partie de l’opinion publique américaine contre un « ennemi de l’intérieur » communiste ; les quelques dizaines de milliers de membres du parti communiste des Etats-Unis représentaient une menace révolutionnaire très exagérée).

« Siné-Mensuel » a eu le mérite de contribuer à mettre sur orbite une nouvelle génération de caricaturistes tels que LB, Waner, Micaël, et quelques autres.

Hollandais planant

Le caricaturiste Willem est une sorte de Hollandais planant au dessus des querelles de clocher : il dessina tant pour « Siné-Mensuel » que pour la paroisse rivale, « Charlie-Hebdo », et même pour la grosse presse capitaliste (« Libé »).

Son jeune confrère Félix (« Charlie-Hebdo »), l’a représenté sous la coupole, recevant une distinction honorifique et dispensant en guise de remerciement une petite leçon de dessin anti-académique : « Un bon dessin, on peut le comprendre en deux secondes. Quand c’est trop beau, ça détourne de l’idée. ».

De la part des pouvoirs publics, encenser la caricature et les caricaturistes est une manière beaucoup plus habile de l’étouffer que la censure gaulliste qui, à la fin des années soixante, fit le succès de “Hara-Kiri”. Le pouvoir mitterrandien a mis en oeuvre une méthode bien plus efficace que celle du pataud Raymond Marcellin (ministre gaulliste qui interdisit “Hara-Kiri”) : le contrôle fiscal et les pressions économiques sournoises.

Mais la principale cause de régression de la satire au cours des trente dernières années est sans doute l’américanisation de la vie politique française ; elle a connu une accélération après la chute du Mur de Berlin. La vie politique américaine est aussi peu propice à la satire qu’elle est propice à la culture de masse.

La mise au placard récente de Natacha Polony, rédactrice en chef de “Marianne” souligne à quel point la France est devenue une République bananière. La ligne éditoriale de “Marianne”, tournée vers le lecteur et non vers l’électeur, représentait un investissement à peu près nul pour le capitaine d’industrie tchèque propriétaire du titre, au contraire d’autres magazines impliqués dans la bataille électorale, et dont les sponsors peuvent espérer un “retour sur investissement”.

(Willem sera présent aux prochaines Rencontres internationales du dessin de presse et des médias à Lyon, dont il a dessiné l’affiche - 20-23 mars).

Planche XX – Le Charivari, 23 mars 1846

Fabrique du crétin

Daumier ne cède pas à l’exaltation typiquement bourgeoise de l’enfance, qui remplira les carnets de commande de nombreux artistes-peintres spécialisés dans le portrait au XVIIIe siècle, concurrencés par le procédé photographique au siècle suivant.

Le catalogue de l’exposition du musée de Tessé (Le Mans) sur le thème de l’enfant dans l’art, montre d’ailleurs qu’il est impossible de faire de bons portraits photographiques d’enfants, tant c’est un âge remuant.

Ce qui intéresse Daumier, c’est la caricature du microcosme formé par les élèves et le corps enseignant. Il publia une série de planches sur le thème des « Professeurs et moutards », montrant la noble institution sous un jour peu favorable.

« Le terme de « moutards » désigne les élèves du primaire et de sixième, reconnaissables à leurs blouses resserrées à la taille par une large ceinture, et parfois vêtus de redingotes et coiffés de chapeaux haut-de-forme à l’occasion d’une sortie ».

La planche XX (ci-dessus) présente l’art de la caricature comme la revanche du cancre.

La fabrique du crétin ne date donc pas d’aujourd’hui, seules ses méthodes ont changé, la coercition douce étant préférée dorénavant (jusqu’au prochain retour du bâton).

Trophée Presse-citron 2025

En partenariat avec la bibliothèque nationale, l’école de graphisme et d’illustration Estienne (Paris 13e) organise son concours annuel de caricature, unique en son genre puisqu’il récompense (de quelques centaines d’euros) un caricaturiste en herbe (non professionnel).

Cabu et Siné font partie de la galerie des Illustres anciens élèves de l’école Estienne.

Le caricaturiste Guillaume Duchemin (“Charlie-Hebdo”), alias Guiduch, a répondu pour l’occasion à quelques questions du magazine “Citronnade” :

-As-tu un thème de prédilection ?

-J’adore les catastrophes naturelles, les attentats, les guerres, les épidémies ou les génocides… C’est terrible les semaines où il ne se passe rien et où l’on se doit de commenter tel ou tel propos politique inepte. Plus l’actualité pue, plus on se marre. C’est un beau métier.

Caricatures fraîches, par Micaël (“Siné-Mensuel”), Delestre (“Facebook”), Dalaine (“Facebook”), Garcia (“La Voix de l’Ain“), Johan de Moor (“Facebook”) & Zombi (“Zébra”) :

par Micaël.

par Delestre.

par Dalaine.

par Garcia.

par Johan de Moor.

par Zombi.