Cabu toujours vivant

Une caricature de Cabu de derrière les fagots qui illustre que l’actualité manque cruellement d’imagination.

Jul et la Bête

Le caricaturiste et bédéaste Jul crie au scandale et à la censure après que le ministère de l’Education nationale (E. Borne en tête) a décommandé un album illustré par ses soins, « La Belle et la Bête » ; il devait être tiré à 800.000 exemplaires et distribué aux élèves de CM2 à la fin de l’année. L’illustrateur avait pris l’initiative d’épicer un peu ce vieux conte assez plat et ennuyeux en prêtant au père de famille et ses enfants les traits d’une famille franco-maghrébine. Le ministère y a sans doute vu un risque de polémique inutile, à l’heure où les chaînes d’info en continu font flèche de tout bois.

Accompagnant l’actuel président en Chine en ambassade en 2018, Jul s’était répandu à son retour dans la presse en bonnes paroles rassurantes, expliquant que le régime autoritaire chinois était en bonne voie de libéralisation (c’était après Tian’Anmen, mais peu avant la politique sanitaire ultra-coercitive mise en place dès 2019).

Jul estime sans doute, à l’instar de Voltaire, que la France doit donner l’exemple de la liberté d’expression au monde entier. Mais quel drôle de préjugé pousse cet ancien prof (de chinois) à croire que l’Education nationale dispense un enseignement libre, alors qu’il est contrôlé à toutes les extrémités ?

Tous les Français scolarisés entre 1975 et 2015 ont ainsi appris que l’Union européenne est “un pacte de stabilité monétaire et économique” (sic), et la manière la plus efficace d’œuvrer pour la paix en Europe, après deux guerres mondiales calamiteuses. La doctrine du parti communiste chinois n’est pas plus homogène que cette propagande ; si la crise financière de 2008 a fait voler en éclats cette propagande économique, on a continué de l’enseigner telle quelle bien au-delà.

Jul n’a sans doute pas connu le temps où l’on étudiait l’allemand dans des manuels scolaires élogieux vis-à-vis de la RDA… qu’il a fallu remplacer en urgence après la chute du Mur de Berlin par d’autres, élogieux cette fois vis-à-vis du Pacte atlantique.

Par définition, il n’y a pas de roman ou de récit national sans effort de censure pour le protéger de la critique des historiens, qui ne voient là-dedans qu’un pieux mensonge national.

L’Education nationale et la Chine sont des institutions jumelles, exposées toutes les deux à la même menace : la concurrence de Wikipédia et de diverses intelligences artificielles qu’elles ne contrôlent pas.

L’Occident ou le Meilleur des Mondes

Si vous trouvez George Orwell pessimiste, c’est sans doute que vous n’avez pas lu les bandes dessinées muettes de Nicolas Presl. L’absence de texte fait régner une tension semblable à celle des meilleurs films de Charlie Chaplin. Presl entraîne le lecteur dans son cauchemar ; peu d’artistes contemporains savent faire ça.

Sans être le moins du monde islamo-gauchiste, N. Presl est sans doute le plus éloigné du truc de la « civilisation occidentale » diffusé en boucle sous diverses formes, aussi bien wokiste que trumpiste.

Chaque opus de N. Presl est un nouveau cauchemar, publié par son éditeur suisse Atrabile (tout un programme).

« La Ville » de N. Presl, c’est le sac de Rome par les Wisigoths, une Rome qu’aucun artiste ne pleurerait car elle a proscrit l’art au profit d’une vulgarité indispensable à sa survie.

Agenda des expos estivales

Exposition GéBé à la BNF (Paris XIIIe) jusqu’au 19 oct. 2025.

Caricatures fraîches par Kurt (“Nord Littoral”), MAN (“Midi Libre“), Gros (“Marianne”), Piérick (“Fakir“) & Zombi (“Zébra”) :

Le fanzine mensuel Zébra du mois de juin est paru ; pour s’abonner, écrire à [email protected]