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REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°125
par Voutch.
Courrier des lecteurs
Un lecteur nous reproche de ne pas avoir étayé par un exemple l’affirmation selon laquelle « Voutch est le meilleur dessinateur d’humour du moment. » (cf. revue de presse n°124)
Est-ce que tout n’est pas dit sur la marchandisation de l’art, mieux que par un long discours sociologique ?
Un autre lecteur nous écrit ceci : « Ce n’est plus le fanzine Zébra, c’est devenu le fanzine Shakespeare ! Shakespeare par-ci, Shakespeare par-là… »
Si seulement vous saviez, cher lecteur, que Shakespeare a caricaturé le Français-type, il y a maintenant quatre siècles, comme un individu léger qui ne se préoccupe que d’amour, de danse et de musique, et qui a beaucoup de mal à se concentrer sur tout le reste.
Si les Français avaient fait l’effort de lire Shakespeare, ne serait-ce qu’un peu, ils se seraient évité un long et fastidieux débat sur « l’identité nationale ».
Il faut condamner le soldat Jeff T.
Est-il permis de rire de Samuel Paty quand on n’est pas, comme Vuillemin, employé par “Charlie-Hebdo” ?
On déconseille à un prof, quel qu’il soit, d’anglais, de maths ou d’histoire, de s’y risquer tant que Cyril Hanouna n’est pas devenu la nouvelle référence en matière d’humour et de liberté d’expression.
La force des armées, c’est la discipline : cela vaut aussi pour l’Education nationale, qui ne produit pas des libres-penseurs en série, mais désormais des “fantassins de la liberté d’expression” (sic).
Comme nous l’indiquions dans une précédente chronique, la bande dessinée consacrée à l’assassinat de S. Paty est plus minutieuse qu’une enquête de police et plus exacte que le compte-rendu partial de « Le Monde » (15 nov.) ; elle permet de se faire une opinion indépendante de la justice médiatique qui s’acharne sur le soldat Jeff T., collègue de la victime, qui a eu le malheur d’exprimer publiquement une opinion déviante sur son comportement (“Crayon Noir”, par Valérie Igounet et Guy Le Besnerais).
Le tribunal fait porter la responsabilité sur le trouffion de base de la faute commise par les généraux : introduire les débats politiques ou religieux à l’école, histoire de saper le peu d’autorité qui reste encore aux profs sur leurs élèves.
La présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse vient de présenter à la presse une liste de caricatures qui seront étudiées en classe en 2025 comme des images pieuses, liste dans laquelle figurent plusieurs Unes et caricatures de “Charlie-Hebdo”. Aucune d’elle ne représente J.-M. Blanquer en train de mimer une danse brésilienne pour essayer d’amadouer le personnel enseignant.
Moralité : les modalités de la liquidation de l’armée française sont pleines d’enseignement pour les enseignants ou les futurs enseignants. Le prof de demain est peut-être Ukrainien(ne) ?
L’Humour athée existe-t-il ?
L’initiative de « Charlie-Hebdo » d’organiser un concours de caricatures sur Dieu ne fait pas l’unanimité au sein des athées. Certains fondamentalistes objectent en effet que “caricaturer Dieu est une façon de suggérer qu’il existe”.
Comment remédier au fondamentalisme athée ? Le meilleur conseil qu’on puisse donner n’est-il pas de relire et faire relire le « Candide » de Voltaire ?
Si les chrétiens ou les musulmans posent en principe l’existence de Dieu, Voltaire considère, pour sa part, que l’on ne peut en exclure l’hypothèse, y compris sur le plan scientifique (ce qui pour un admirateur d’Isaac Newton est assez logique). Voltaire tient même l’être humain pour un animal qui ne peut se passer de religion.
Le principe auquel Voltaire est le plus hostile n’est pas le principe de Dieu, mais celui de la providence, incarné par Pangloss (alias Leibnitz) dans “Candide” ; Voltaire se plaît à souligner à quel point la providence et les providentialistes opposent systématiquement au progrès de la science leur raisonnement relativiste.
Voltaire a néanmoins commis une double erreur, dont l’actualité permet de vérifier l’importance : d’abord il a fait de la religion des « Quakers », par opposition au catholicisme, la religion idéale, sous prétexte que le « Quaker » ne veut surtout pas se mêler de politique, au contraire du catholique qui ne cesse d’ourdir des complots (surtout le jésuite).
Voltaire n’avait donc pas prévu que ses chers « Quakers » se convertiraient au catholicisme en 2024, se choisissant pour chef un queutard flamboyant, et se conformant ainsi à une vieille coutume catholique, du temps où les papes étaient encore hétérosexuels.
Ce grand esprit n’avait pas prévu non plus que le capitalisme rétablirait la Providence, sous la forme du ruissellement de droite, ou de l’Etat-providence de gauche, ni que la France se choisirait pour rois toute une série de Pangloss, dont les catastrophes humanitaires n’entament pas la bonne humeur.
Le temps perdu à caricaturer Dieu ne se rattrape pas.
La Vérité sur l’affaire Vivès
Inculpé en 2022 pour diffusion d'images pédopornographiques pour sa BD « Petit Paul » (éd. Glénat), Bastien Vivès attend encore le verdict des juges*. Il s’est fendu d’une BD humoristique dans l’intervalle. Sa défense est, depuis le début : - l’humour et l’apologie de l'abus sexuel sont incompatibles.
De nombreux ouvrages, en effet, montrent le viol sans en faire l’apologie : « L’Iliade » est le plus célèbre d’entre eux, qui élucide entièrement la « culture du viol ».
Le mauvais roman auquel B. Vivès fait allusion, « La Vérité sur l'affaire Québert », pâle plagiat de « Lolita », n'a pas déclenché le même tollé.
Dans la mesure où elle s’adresse aux enfants, on peut trouver la propagande militaire par la bande dessinée bien plus immorale que les bandes dessinées porno de B. Vivès. Derrière le pilote de chasse héroïque illustré par Uderzo se cache bien souvent un type amoral, programmé pour larguer une bombe qui fera mille morts, sans se poser plus de questions qu’Adolf Eichmann.
Cette BD comique n’est pas très drôle, et il n’est pas certain qu’elle fera rire les magistrats instructeurs. Il s’agit plutôt d’une plaidoirie en bande dessinée dont certains arguments, à défaut d’être comiques, sont pertinents. B. Vivès suggère par exemple que sa fantasmagorie sexuelle est incestueuse, et donc des plus banales. Comme la police des mœurs « wokiste » a fait plus ou moins table rase de la psychanalyse « patriarcale » de S. Freud, cet argument est irrecevable.
Mais B. Vivès indique surtout que la qualification de « matériel de séduction pédophile » par l’association de protection de l’enfance qui a déposé plainte, vaudrait pour beaucoup de bandes dessinées, non seulement la sienne, en particulier les mangas japonais en vente libre… qui sont d’ailleurs dans le collimateur de certaines associations féministes, qui les accusent de transformer les femmes en objets sexuels. B. Vivès a donc l’impression de payer pour toute sa corporation, même s’il bénéficiera sans doute d’un non-lieu et d’une réputation d’auteur sulfureux.
*En attente de son jugement, B. Vivès a en revanche obtenu la condamnation pour harcèlement et menaces de mort de certains de ses détracteurs.
Salon et Prix SOBD
Le festival SOBD d’éditeurs indépendants se tiendra le week-end prochain à Paris (IVe) ; cette année c’est la bande dessinée luxembourgeoise qui est à l’honneur, et diverses expos la présentent.
Comme chaque année sera décerné un prix SOBD à un essai consacré à la bande dessinée, choisi dans la liste ci-dessous.
Caricatures fraîches par Ixène (“Twitter”), Juin (“Charlie-Hebdo”), Piérick (“Twitter”) & Zombi (“Zébra”) :
par Ixène.
par Juin
par Piérick.
par Zombi.