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REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°138

Plus loin qu’ailleurs
La nouvelle est un genre littéraire démodé. George Orwell, déjà, le déplorait. Il soupçonnait une raison commerciale, car son déclin coïncide avec celui des grandes revues littéraires qui la publiait. D’autres critiques ont soupçonné le manque de concentration des lecteurs, ou encore l’effondrement du niveau des romanciers au XXe siècle.
La nouvelle est un format assez bien adapté à la bande dessinée qui vise plus haut que le simple divertissement. Avec « Plus loin qu’ailleurs » (Vents d’Ouest, 2025), Christophe Chabouté propose un conte sur le thème de l’aveuglement de l’homme moderne, noyé sous des images qui lui bouchent la vue - encore un paradoxe orwellien.
Chabouté souligne le côté séquentiel du mode de vie occidental, son enfermement dans des conventions d’espace et de temps.

Charlie et les “catholiques zombies”
L’anthropologue Emmanuel Todd, dernier représentant de l’école française des Annales, est l’une des bêtes noires de « Charlie-Hebdo », qui se plaint de n’avoir été soutenu après l’attentat de 2015 que par des publicistes « de droite ».
E. Todd est lui-même une sorte de gauchiste schizophrène ; il se dit à la fois « de gauche » et « patriote », sachant parfaitement que la gauche a activement œuvré à transformer la France en « Länder » (prononcer laindeur) allemand au cours des deux dernières décennies (la consécration de « Tintin & Milou » et de Michel Houellebecq est la contrepartie culturelle de cette annexion économique).
Le crime d’E. Todd est d’avoir fustigé l’instrumentalisation de « Charlie » par F. Hollande, pour tenter de se maintenir au pouvoir : « (…) Ligoté comme il l’est par l’euro, par les règles européennes et par sa propre lâcheté, Hollande saute sur l’occasion. Il instrumentalise et théâtralise l’horreur de l’événement. Il organise une manifestation où il convie les dirigeants du monde entier au moment même où un homme d’Etat aurait exprimé dignité et apaisement. » (In : « Les Luttes de classes en France au XXIe siècle », éd. du Seuil, 2020).
E. Todd a dû, suivant la méthode des « Annales », creuser un peu plus pour établir un lien entre les manifestations de dévotion qui ont suivi l’attentat de 2015 et la religion catholique. Résumons son étude chiffrée : par le catholicisme zombie, Todd désigne une sorte de mouvement identitaire, plus développé en province et à l’Ouest, suivant une ligne verticale qui divise la France en deux ; alors que l’on pouvait encore repérer un « vote catholique » à travers certains indices, jusque dans les années 1980, ce n’est plus le cas depuis, en raison notamment du vieillissement de la population française. Le « vote catholique » s’est mué en « vote pour l’euro » ; autrement dit, l’ancien clivage « catholicisme contre laïcité » est devenu un clivage « europhilie contre laïcité » au cours des années 1980. Les manifestations qui ont suivi l’assassinat de la rédaction de « Charlie-Hebdo » sont l’expression de ce « catholicisme zombie ».
E. Todd s’emploie à démontrer que le « grand remplacement » est une théorie du complot. Elle est comique à double titre : - d’abord il faut pratiquement être étatsunien pour soutenir une telle thèse : il est beaucoup plus vrai que les ouvriers et employés WASP ont été remplacés, aux Etats-Unis, par des immigrés latinos ou asiatiques, suivant un processus capitaliste. La psychose du “grand remplacement” est donc importée des Etats-Unis, tout comme le “wokisme”.
Deuxième effet comique : en France, pour des raisons démographiques, mais aussi parce qu’ils sont restés plus proches d’une culture paysanne, les immigrés musulmans ne « remplacent » pas le catholicisme, qui s’est dilué dans la société de consommation pour devenir un catholicisme zombie – les immigrés musulmans ressuscitent carrément le vote catholique ! Jean-Luc Mélenchon est, d’ailleurs, l’un des rares dirigeants politiques français à avoir déploré la mort du pape François…

par Carlos Latuff.
Le coupable idéal
« Charlie-Hebdo » a trouvé le coupable idéal de l’opération de représailles d’Israël dans la bande de Gaza : la religion. Par la voix de Charles Enderlin, l’hebdo accuse : « Les fondamentalistes musulmans et juifs ont bel et bien lancé une guerre de religion. » (CH, 14 mai, itw par G. Biard et J.-L. Adénor)
Cet ex-journaliste (“France 2”) installé en Israël depuis des lustres, s’efforce d’étayer sa démonstration en expliquant que le chef de l’Etat israélien n’a jamais vraiment visé la libération des otages, dont une vingtaine seulement serait encore en vie. De plus, les leaders extrémistes religieux juifs seraient les plus actifs partisans d’une annexion complète de la bande de Gaza, voire de la Cisjordanie.
« Charlie-Hebdo » prend vraiment ses lecteurs pour des c. ! Voilà plus d’un an que les médias européens et nord-américains justifient auprès de l’opinion publique le pilonnage de la bande de Gaza : ces médias n’ont que très rarement utilisé des arguments religieux.
B. Nétanyahou lui-même s’est dit diffamé « comme le capitaine Dreyfus » par les accusations du Tribunal pénal international. Le capitaine Dreyfus n’avait rien d’un fondamentaliste religieux. Invité sur le plateau de télévision d’un oligarque français à plaider sa cause il y a quelque temps, B. Nétanyahou a invoqué, comme fait Poutine au service de sa propre cause, un vague « combat pour la civilisation » à l’échelle mondiale. Par ailleurs le Hamas est, lui aussi, loin d’être soutenu seulement par des fondamentalistes religieux ; la caricature ci-dessus par Carlos Latuff (caricaturiste brésilien) est l’expression assez répandue en Amérique du Sud d’une hostilité aux “Gringos” du Nord et leur tutelle néocoloniale.
C. Enderlin conteste que le sionisme de B. Nétanyahou soit un « suprématisme blanc ». B. Nétanyahou est assez malin pour utiliser, en fonction de son auditoire, les arguments qui font mouche ; et il a choisi de s’adresser aux Français avec des arguments qui flirtent plutôt avec le suprématisme blanc.
Il y a plus grave ; l’argumentaire de ce journaliste est tronqué : il dissimule une bonne part de la réalité politique, une réalité que le paysan arabe, perse, voire turc ou brésilien, aussi illettré soit-il, ne méconnaît pas : Israël n’est pas un Etat souverain, mais un Etat tributaire depuis sa fondation du soutien des Etats-Unis ; Israël est pratiquement dans la situation du crac des chevaliers teutoniques, ce qui explique la culture militariste de cet Etat. On est bien placés en France pour savoir que la laïcité n’est nullement un frein à la militarisation, bien au contraire. Le fanatisme religieux occidenal des XVIe et XVIIe siècles est largement éclipsé, depuis le début du XXe siècle, par un nouveau fanatisme, celui de la propagande, qui a connu de nombreuses formules laïques.
Bien plus responsables de la guerre que le Hamas et B. Nétanyahou sont ceux qui ont laissé proliférer la propagande dans tous les domaines, dont Orwell a fait le mal du XXe siècle. Non seulement la propagande sert à embrigader l’opinion publique, mais elle rend pratiquement les accords de paix impossible, en réduisant la paix à une utopie onusienne.

ill. A. Dekeyser/poème E.-M. Berg.
Printemps des poètes
Peintre et Illustratrice, Aurélie Dekeyser dédicacera son dernier ouvrage en collaboration avec la poétesse Eva-Maria Berg et le photographe Philippe Barnoud au prochain “Marché de la poésie”, organisé par la mairie du 6e arr. de Paris au mois de juin.
Caricatures fraîches par MAN (“Midi-Libre”), Kurt (“Nord-Littoral”), Delestre (“Facebook”), Micaël (“Marianne”), Piérick (“Fakir”) & Zombi (“Zébra”)

par MAN.

par Kurt.

par Delestre.

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par Zombi.
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