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REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°136

Dali après Picasso
Dans le second tome de leur « Dali » (éd. Dargaud, 2024), Julie Birmant et Clément Oubrerie, après l’enfance catalane de Dali et les années de formation, racontent la rencontre entre Dali et Elena Ivanonva Diakonova, alias Gala, ainsi que la manière dont le jeune peintre réussit à gagner la confiance du club des surréalistes, présidé par André Breton.
Salvador Dali était prêt à toutes les pitreries pour se faire accepter par cette bande d’intellectuels plus ou moins organisée, dont l’entregent n’était pas négligeable. Dali séduit au passage Gala, au terme d’une parade amoureuse sophistiquée un peu déconcertante. Plus âgée de dix ans, Gala était déjà mariée au poète communiste Paul Eluard, père de sa fille ; celui-ci n’étant pas jaloux (la jalousie est un sentiment bourgeois), il laisse les tourtereaux de rapprocher.
Si l’art de Dali est le plus artificiel, tout en trompe-l’œil, rébus, mise en scène calculée, il semble que le moindre de ses gestes ait été au diapason – un vrai Japonais ! Même les surréalistes, assez sophistiqués eux-mêmes, finiront par se lasser de ce Janus.
Ou peut-être est-ce Gala qui séduisit le jeune Salvador, car elle était de ces femmes russes au tempérament mieux trempé que celui d’un homme ? Gala sera la seule vraie muse de Dali, mais aussi son impresario.
Même si, à maints égards, Dali marche sur les traces de Picasso dans la voie ouverte par les impressionnistes, leurs personnalités et leurs œuvres différent assez nettement, ce que les biopics de Julie Birmant soulignent assez. Tandis que Dali en rajoute dans l’ésotérisme freudien alors à la mode, l’art de Picasso est plus direct.
NB : On est parfois choqué par l’opportunisme politique de certains artistes-peintres, dont firent preuve Picasso et Dali ; on oublie ici deux choses : d’abord les peintres ne vendent pas des idées ou des slogans, contrairement à beaucoup d’intellectuels, mais des tableaux ; ensuite ils sont moins doués que les intellectuels pour dissimuler leurs engagements douteux – on retourne sa veste beaucoup plus facilement avec des mots qu’avec des tableaux.

Le spleen de Rimbaud
Les âmes tourmentées de trois poètes « décadents » : Arthur Rimbaud, Paul Verlaine et Germain Nouveau, s’entrechoquent dans cette bande dessinée par Dytar et Bollée (éds. Delcourt-Mirages, 2023) qui les fait dialoguer.
La couverture brumeuse est un hommage aux origines anglaises du « spleen » et des « illuminations ».
Cette BD a plusieurs mérites :
-Tout d’abord elle ne sanctifie pas Rimbaud, elle ne l’érige pas en « génie » de l’art, ce qui est la manière moderne de sanctifier et de statufier, de prêcher le miracle de l’art. L.-F. Bollée s’écarte donc de la légende dorée – ou noire, si on préfère – de Rimbaud. Le scénariste a choisi de centrer le propos des « Les Illuminés » sur le dégoût de Rimbaud pour son œuvre, demeurée confidentielle de son vivant. Est-ce l’échec qui écoeura Rimbaud ou, comme Louis-Ferdinand Céline spéculait, son aspiration à une existence plus intense et moins intellectuelle ? Ses amis et amants Paul Verlaine et Germain Nouveau sont, au contraire, persuadés que le jeune Rimbaud a accouché d’une œuvre immense, qu’il convient d’honorer en la faisant publier au plus vite. Germain Nouveau prend le relais de Paul Verlaine, emprisonné pour avoir tiré sur son amant à Bruxelles. Le mysticisme imbibé d’alcool de Verlaine le pousse à voir dans Rimbaud un génie maléfique ; il oscille entre la fascination et la répulsion. Germain Nouveau (poète dont L. Aragon faisait grand cas), non moins porté sur la boisson, finira par se déprendre lui aussi de Rimbaud, tout en adoptant vis-à-vis de son propre travail un détachement semblable.
-« Les Illuminés » propose une approche sensible, diamétralement opposée à celle de l’Education nationale qui privilégie, pour sa part, une approche technique, presque grammaticale, et moderne, c’est-à-dire religieuse, incitant au culte de l’Art. Cette approche sensible consiste à faire interagir plusieurs personnalités différentes et à souligner l’entêtement de Rimbaud à chercher son destin ailleurs que dans l’épanchement poétique. Le dessin terne de Dytar, presque photographique, met en valeur les dialogues.
-Cette BD a enfin le mérite de mettre en perspective le genre poétique « décadent », de montrer son mysticisme religieux. Ce trio de poètes, et quelques autres autour d’eux (Mallarmé) et avant eux (Lamartine), continuent la croisade contre le roman naturaliste, accusé de pactiser avec le positivisme bourgeois impavide ; à la fin du XIXe siècle, le positivisme se confond de plus en plus avec l’industrialisation à marche forcée.
Après le déluge d’acier de la Grande guerre, les surréalistes reprendront le flambeau de la poésie décadente en y ajoutant le communisme (sans parvenir à convaincre le peuple, suivant la remarque de W. Benjamin).

Blasphème contre Charlie
Dix ans après le massacre de la rédaction de “Charlie-Hebdo”, “Charlie” ne fait plus l’unanimité, et plusieurs publications récentes se démarquent nettement de “l’esprit Charlie”. Il est devenu aux yeux de certains un accessoire du complotisme et de la dénonciation de “l’islamo-gauchisme” à la manière du sénateur McCarthy (dans les années 1950 aux Etats-Unis).
Les manoeuvres du parti socialiste de F. Hollande, notamment auprès des familles des victimes, pour tirer parti de l’émotion populaire, ont été très tôt documentées. Cette opération de récupération s’est appuyée sur la naïveté des rédacteurs en chef de “Charlie-Hebdo”, Ph. Val puis Charb.

Un festival dédié à la gravure et la micro-édition début Mai, dans l’une des plus belles communes du Rouergue (au sud-est de Millau).
Caricatures fraîches par Delestre (“Twitter”), Ygreck (“Twitter”), Livingstone (“Facebook”), Rhodo (“Facebook”), Le Meur (“Marianne”), Riss (“Charlie-Hebdo”), Guy Venables (“The Spectator“) & Zombi (“Zébra”) :

par Delestre.

par Ygreck.

par Livingstone.

par Rhodo.

par Le Meur.

par Riss.

par Guy Venables.

par Zombi.
