Cancer culturel ?

La nostalgie se répand comme un véritable cancer, d’autant plus sévère que le pouvoir d’achat de la jeune génération a fondu et que les producteurs de biens de consommation culturels en sont conscients. Le magazine « Schnock », suivant la méthode oncologique, fait de ce cancer son beurre depuis quelques années déjà. A sa décharge, le truc de l’art ou du spectacle « vivant » ne veut pas dire grand-chose... il y a tellement de performances macabres !

A partir d’un certain âge, on commence à regarder dans le rétroviseur et 95% des partis politiques ont adopté un marketing gaulliste adapté à ce vieillissement ; même « Charlie-Hebdo » consacre de plus en plus de pages à vitupérer la chienlit des réseaux sociaux, à se remémorer le bon vieux temps où l’islam n’était pas encore sorti de sa boîte et les terroristes invoquaient plutôt Trotski ou Che Guevara.

Philippe de Villiers, à force d’être démodé, a fini par devenir le crooner politique le plus branché.

Le Meilleur des Mondes en BD

Le principal mérite de l’adaptation du « Meilleur des Mondes » en bande dessinée par Fred Fordham (éd. Philéas) est sa fidélité au roman post-apocalyptique d’Aldous Huxley. La fidélité est un péché du point de vue totalitaire selon Huxley, comme tous comportements “humains”, au demeurant, car ils interfèrent avec le conditionnement que subissent les citoyens du Brave New World dès le plus jeune âge - citoyens conçus selon des principes eugénistes-darwinistes pour obéir à une sorte de plus grand commun dénominateur éthique.

Mais l’anti-utopie d’Huxley aurait mérité mieux qu’un dessin qui semble produit par une intelligence artificielle, tant il est plat et inexpressif. L’intelligence artificielle pourrait produire les prochains romans de M. Houellebecq, mais pourrait-elle produire la critique d’une civilisation qui a ramené la pensée au niveau des algorithmes ?

Si selon Hannah Arendt le totalitarisme est « le règne de l’inutile » (érigé en métaphysique), on peut dire qu’Huxley décrit, lui, le totalitarisme comme le règne de l’artifice.

Comme son compatriote et contemporain Evelyn Waugh, qui flirte lui aussi avec le thème de la liquidation de la civilisation occidentale et publia dans les années 1930 une série de romans comiques, Huxley visita la Californie. La formule du bonheur standardisé, imposée par la petite caste dirigeant le «  Brave New World  » est directement inspirée par la culture californienne alors naissante : l’effort de cette culture pour réconcilier l’être humain avec la mort semble avoir frappé Huxley autant que Waugh.

Le personnage (tragi-comique) de John Le Sauvage, récalcitrant à ce mode de vie 100% artificiel, semble anticiper le mouvement «  hippie  » qui naîtra à San Francisco ultérieurement. Fred Fordham s’est heurté à la difficulté de traduire en bande dessinée l’humour d’Huxley, peut-être plus noir encore que celui d’Orwell. Pour Huxley, l’Occident était engagé dans un processus suicidaire quasiment irréversible.

John Le Sauvage cite Shakespeare à tort et à travers ; Sh. représente la tragédie dans une société organisée pour purger l’existence du moindre aspect tragique.

Evidemment on pense en lisant ou relisant « Brave New World » à Elon Musk et aux magnats de la “tech” installés dans la Silicon Valley, à leur volonté d’imposer des codes et une culture à laquelle ils ne veulent pas que leurs propres enfants soient soumis. La modernité prend avec la satire d’Huxley (1932) un sacré coup de vieux !

Académisme

La région Ile-de-France (présidée par Valérie Pécresse) organisait un “concours de dessins” pour commémorer les dix ans de l’attentat islamiste contre “Charlie-Hebdo” intitulé “Caricature & Démocratie”.

Camila, une lycéenne de Saint-Germain-en-Laye a bien appris sa leçon et reçu le premier prix pour son dessin “mettant en garde contre les dangers de la désinformation sur les réseaux sociaux.”

Que restera-t-il aux cancres si les premiers de la classe se mettent à faire des caricatures avec la bénédiction des profs ?

Caricatures fraîches par Dalaine (“Facebook”), Kurt (“Nord Littoral”), Delambre (“Le Canard enchaîné”), Andgelo le Goéland (“Facebook”), Valott (“Facebook”) & Zombi (“Zébra”) :

Le fanzine Zébra du mois d’octobre est paru (pour s’abonner, écrire à [email protected])