REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°145

Louis XVIII par Nicolas-Toussaint Charlet.

“Point de Vue” sur la Caricature

Suite à notre article (Zébra n°133) sur la presse quotidienne régionale bretonne qui bat des records de conformisme, un lecteur nous a expédié un numéro de « Point de vue » (mai-juin 2025), qui consacre six pages à la caricature et des « têtes couronnées ». On savait déjà que feu le roi-consort Philippe d’Angleterre cumulait la passion pour la caricature avec celles pour les courses de carosses et les jolies palefrenières.

Le chapô de l’article donne le ton : « Si au Japon ou en Thaïlande, il ne viendrait pas à l’esprit de se moquer de l’empereur ou du roi, au sein de la vieille Europe, on n’hésite plus à croquer les souverains et leurs proches… » La journaliste précise tout de même, afin de rassurer les lecteurs de « Point de Vue » : « …Autant d’impertinences, qui masquent, le plus souvent, un sincère attachement. »

Interrogé avant son élection triomphale sur le sujet, le futur monarque républicain E. Macron avait déclaré qu’il s’accommoderait de la caricature car « c’est le jeu ». De fait, c’est en partie le job du monarque, au XXIe siècle, de servir de paratonnerre à l’oligarchie (« l’aristocratie de l’argent », comme dit Tocqueville), qui ne mise pas des sommes colossales sur tel ou tel candidat au trône pour rien. Il est peu probable que le caricaturiste-maison du « Parisien » publiera des caricatures soulignant les turpitudes de Bernard Arnault.

La comparaison de « Point de vue » avec les fameuses « poires » de Charles Philippon n’est pas raison. Si le monarque français Louis-Philippe Ier fit preuve de libéralisme à l’égard de la presse, sa volte-face ne se fit pas attendre après la publication des caricatures de Philippon. L’argument inepte de l’antisémitisme a plusieurs fois été utilisé par les courtisans d’E. Macron pour censurer des caricatures visant le chef de l’Etat.

Selon l’illustration de « 1984 », le Léviathan - c’est-à-dire l’Etat occidental judéo-chrétien -, a acquis une forme d’autonomie ; il ne s’incarne plus tant dans la personne du monarque que dans des principes juridiques abstraits, des slogans, des fictions historiques (romans nationaux). Ainsi la caricature qui vise de Gaulle, Mitterrand ou Macron -les chefs d’Etat de la Ve République- ne vise que le cornac et non l’éléphant ; elle n’a donc que relativement subversive. « Hara-Kiri » l’avait compris, d’ailleurs, qui ne visait pas tant de Gaulle que la presse française, particulièrement servile, dont le pouvoir excède sous la Ve République celui du Parlement, pratiquement décoratif depuis 1958.

Thomas Cromwell par Hans Holbein.

“Wolf Hall” ou la naissance de l’Etat laïc

Philippe Lançon fait l’éloge dans « Charlie-Hebdo » (17 sept.) de la série télévisée historique « Wolf Hall » (diffusée par la chaîne « Arte »). La série, adaptée d’une saga d’Hilary Mantel survole le règne de Henri VIII d’Angleterre à travers la figure de l’un de ses principaux conseillers, Thomas Cromwell (1485-1540 – arrière grand-père d’Olivier Cromwell, chef des « Têtes rondes » qui renversèrent la monarchie anglaise un siècle plus tard).

La légende noire de Henri VIII, dont deux des six épouses (successives) furent décapitées, a rejailli sur son Premier ministre ; le portrait réaliste de Cromwell par Hans Holbein (ci-dessus) n’est pas de nature à redorer le blason de Cromwell ; un des rôles du banquier Cromwell auprès du roi fut de modérer son ardeur à faire la guerre, ce qui n’était pas chose aisée compte tenu du tempérament guerrier d’Henri VIII, prompt à vouloir rivaliser de panache avec François Ier .

Ph. Lançon loue la manière dont « Wolf Hall » illustre la transition politique qui s’opéra sous le règne d’Henry VIII, dont Th. Cromwell fut l’un des principaux artisans, vers l’Etat moderne ; Th. Cromwell était fils de forgeron, remplaçant dans le rôle de Premier ministre et exécuteur des basses œuvres d’Henri VIII un fils de boucher, le cardinal Wolsey, son mentor.

Ajoutons à Lançon que Th. Cromwell incarne la première politique concrètement « laïque » ; celui-ci s’efforça en effet de faire passer les affaires du roi (c’est-à-dire de l’Etat anglais) avant celles de la religion catholique (de l’aristocratie) et de la religion puritaine (populaire). Jusqu’aux Lumières françaises incluses, la laïcité « athée » ou « irréligieuse » n’existe pour ainsi dire pas. Voltaire (insuffisamment instruit de l’histoire de l’Angleterre) oppose la « mauvaise religion » (catholique) à la « bonne religion » (des Quakers anglais) ; Voltaire était très éloigné de croire que le peuple pouvait se passer de religion.

L’Etat s’est donc renforcé sous le règne de Henri VIII et de ses successeurs, non sans accidents et reculs, contre l’influence de Rome et du saint empire romain germanique, avant de se renforcer encore, ultérieurement, contre la personne du roi lui-même et le principe héréditaire.

La brutalité d’Henri VIII, voire ce qui peut apparaître a posteriori comme une forme de cruauté sadique s’exerçant sur certaines de ses épouses, mais aussi ses proches conseillers, cette brutalité Hilary Mantel montre qu’elle n’était pas gratuite : le roi joue en effet le rôle de clef de voûte d’un édifice social et politique assez fragile ; s’il s’était contenté de subir les forces violentes politique, religieuse et économique convergeant vers lui, Henri VIII aurait tout simplement été déstabilisé, voire écrasé. Autrement dit, l’épouse ou le conseiller décapité (et parfois atrocement mutilé), vaut mieux que la guerre de religion sanglante.

La leçon de « Wolf Hall » est donc utile pour tous les utopistes qui croient naïvement que l’on peut enfermer l’exercice du pouvoir dans une formule juridique constitutionnelle. Si les Lumières françaises sonnent creux au XXIe siècle, c’est largement parce qu’elles reposent sur la théorie politique, une conception abstraite du pouvoir inspirée par des recettes antiques telle la « République » de Platon.

Sans vouloir diminuer son mérite, Hilary Mantel prolonge le travail d’élucidation de Shakespeare dans son « Henry VIII » (1613), sous-titré « Tout est vrai » (All is true), comme pour se démarquer du « roman national » anglais.

Shakespeare s’est focalisé, lui, sur la période qui précède l’avènement de Cromwell, dominée par la personnalité du cardinal Wolsey, alors Premier ministre et dont l’échec à obtenir du pape l’autorisation pour Henri VIII de divorcer de son épouse Catherine d’Aragon, entraînera la chute. Shakespeare se concentre déjà sur la question du divorce et ses implications religieuses, qui conditionnent l’émancipation nationale de l’Angleterre (précoce en comparaison de la France) ; le roi et ses ministres resteront empêtrés durablement dans cette question politico-religieuse épineuse. Shakespeare montre que Wolsey est « l’arroseur-arrosé », puisque le prélat catholique trébuche sur le sacrement de mariage.

Art contre iA

Les affiches artistiques ne sont pas seulement dans l’intérêt des illustrateurs ; les organisateurs de festivals ont intérêt à retenir l’oeil du public avec de bonnes affiches plutôt qu’avec des images industrielles standardisées.

On retiendra mieux cette affiche artistique pour la prochaine fête du cinéma d’animation (11-31 oct.) qu’une image industrielle.

Caricature fraîches par Kurt (“Nord-Littoral”), Vuillemin (“Charlie-Hebdo”), Micaël (“Marianne”), Waner (“Siné-Mensuel”), Juin (“Charlie-Hebdo”) & Zombi (“Zébra”) :

par Kurt.

par Vuillemin.

par Micaël.

par Waner.

par Juin.

par Zombi.

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