REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°142

Fanzine Zébra
3rd août 2025

Reportage en Creuse

St-Just-Le-Martel ça se mérite... Le village de 2654 âmes est perdu au fin fond de la Creuse. Compter un peu plus d'une heure de bagnole depuis Aubusson, route agréable en pleine nature avec de belles lignes droites et de belles courbes recouvertes d'un bon enrobé.

Nul panneau indicateur pour signaler le Centre international du Dessin de presse et d'humour. On se gare sans difficulté sur le parking de la place Wolinski, bordée de bâtiments neufs abritant divers commerces et services, rassemblés dans cette zone d'aspect moderne, du moins d'une modernité qui tranche avec le reste du village semi-abandonné. Il est 13h et le seul endroit pour se restaurer à cette heure tardive en plein milieu de semaine est « La Cuisine de Georges » (excellent porc caramel qui passe très bien avec une bière blonde belge, pour un prix d'ami).

Le CIDPH se situe à l'orée du village, entre le stade municipal et l'aire de jeux pour enfants. Emprunter l'avenue Général De Gaulle qui ressemble plutôt à une banale rue, mais "avenue" c'est comme "international", ça claque davantage. Au fronton du bâtiment les portraits de Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski vous accueillent.

L'espace consacré à Bernard Verlhac dit Tignous comprend de nombreux dessins originaux et la reconstitution, ou plutôt l'évocation d'une partie de sa pièce de travail. Les dessins exposés présentent très peu de personnalités politiques, ce qui les rend plus intemporels et impérissables. Quelques-unes de ses cartes de presse (toutes avec la même photo d'un Tignous hirsute et juvénile...) rappellent qu'il était l'un des rares dessinateurs de presse à disposer d'une carte, à l'instar de Cabu notamment. L'intelligence de Tignous lui a permis de travailler pour une multitude de titres, plus ou moins connus.

Dans la surface dédiée à Siné, plus grande, le nombre de dessins, journaux et ouvrages est plus important. Les dessins sont pour l'essentiel des reproductions. L'œuvre est foisonnante et l'expo permet une vision jouissive et revigorante de toute la palette de ses activités. Courez-y avec vos gosses ils en ressortiront moins cons, et vous aussi par la même occasion.

Ces deux expos doivent évidemment beaucoup à Chloé Verlhac et Catherine Sinet. On ne dira jamais assez l'importance et le soutien des compagnes dans l'oeuvre des grands hommes...

(De notre envoyé spécial (à ses frais) à St-Just-Le-Martel, LB.)

Bécassine par J.P. Pinchon.

Les Vacances à Etretat

Dans un entrefilet annonçant la vente aux enchères de quelques planches originales de « Bécassine », dont l’illustration ci-dessus extraite de « Bécassine aux bains de mer », le plumitif du quotidien régional « Ouest-France » fait du personnage une présentation biaisée, la comparant à Tintin (21-22 juin). Le patronyme redondant de Bécassine, Labornez, ne laisse pourtant pas de doute sur le rôle attribué à la bonne bretonne en costume traditionnel de faire rire de ses bévues. La comparaison avec les Dupondt ou le capitaine Haddock serait moins inexacte. Au fil des albums, la bêtise de Bécassine sera édulcorée, tout comme l’alcoolisme de Haddock.

Imaginée par la romancière Catherine Rivière pour distraire les jeunes lectrices de « La Semaine de Suzette » au début du XX^e siècle, il n’y a rien d’étonnant à ce que Bécassine soit aussi honnie des Bretons « identitaires » que le tirailleur Banania l’est d’une partie des Sénégalais.

La comparaison peut sembler exagérée, mais le développement de la Bretagne au-delà de Rennes et des villes portuaires est assez récent ; comme le développement colonial, il a laissé peu de place à l’initiative locale. Jusqu’à la fin du XIX^e siècle, les Bretons étaient considérés comme des « primitifs » aux coutumes archaïques par l’intelligentsia parisienne. La gouache de Pinchon (ci-dessus) montre Bécassine accompagnant ses maîtres aux bains de mer à Coutances en Normandie, et non en Bretagne, moins facile d’accès et qui n’offrait pas le même confort.

Le plaidoyer du bénéfice de la colonisation pour les peuples colonisés est un plaidoyer déguisé en faveur de l’industrialisation. Pour faire un bilan positif de l’industrialisation, on prendra soin d’en extraire systématiquement toutes les guerres modernes, dont l’industrialisation est pourtant indissociable.

Le calvaire du Maillot jaune

L’ascension finale de la Butte Montmartre par les coureurs du Tour de France, imaginée pour pimenter un peu plus la course, aura peut-être rappelé aux admirateurs du père du Père Ubu, Alfred Jarry, l’une de ses chroniques les plus fameuses : “La Passion considérée comme course de côte”, qui parut pour la première fois dans “Le Canard Sauvage” en avril 1903, et que l’on peut lire ici dans son jus.

En avril 1903, la civilisation industrielle n’avait pas encore donné aux Français et au monde les preuves les plus éclatantes de sa puissance dévastatrice - il y avait encore de la marge… pourtant, dès cette date, A. Jarry l’avait entièrement sentie et cernée, la couronnant de ce qualificatif indémodable : “ubuesque”.

De l’exaltation de la souffrance du Christ par le clergé, Jarry fait la clef de voûte de la culture moderne. Le Christ est mort, vive le Maillot jaune !… dont le parcours jusqu’aux Champs-Elysées sera semé de petits golgothas “à 12% de moyenne”.

Fuyant les églises et leurs rituels obsolètes, les foules se massent désormais au bord des routes afin de sentir, non pas l’odeur de l’encens, mais le parfum de la performance macabre. Le masochisme laïc est né, la religion préservée du caprice de la mode ! Un soldat inconnu dort sous l’Arc-de-Triomphe : de ce glorieux martyr républicain on ne sait rien, sauf qu’il en bavé.

Au risque de paraître chauvin, Jarry avait sur l’Irlandais Beckett et les Roumains Apollinaire et Ionesco une belle longueur d’avance… voire même deux !

Agenda des expos de l’été 2025

Exposition Siné « Attention j’arrive »

L’association Saint Just Culture Loisirs propose l’exposition « Attention j’arrive » consacrée au dessinateur Siné (1928-2016). Tout son parcours y est retracé depuis ses années de formation.

Exposition "Toulouse-Lautrec et l'art de l'affiche" à Albi

Henri de Toulouse-Lautrec s’est révélé être un excellent lithographe et un précurseur de l’affiche publicitaire. Cette exposition mettra en valeur le fonds d’affiches du musée spécialement restauré et présenté pour l’occasion, et le confrontera à des réalisations d’autres affichistes renommés (Jules Chéret, Alfons Mucha, etc.).

Caricature de Nadar par André Gill.

De la Caricature à l'Affiche, 1850-1918 - Expo au musée des Arts décoratifs

Le Musée des Arts Décoratifs revient sur les débuts de la presse satirique, de 1850 à 1918.

Signé Bretécher

La Cité de la BD rend hommage à Claire Bretécher (1940 – 2020) en lui consacrant une rétrospective retraçant le parcours de l’autrice et explorant les aspects marquants de son œuvre.