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REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°128
par Cambon (in : “Le Journal des Arts”)
La Caricature momifiée
Selon « Le Canard enchaîné » (31 déc.), les restrictions budgétaires ne menacent pas « la Maison du dessin de presse », présentée comme une lubie d’Emmanuel Macron, dont le chantier débutera fin 2025 dans le VIe arr. de Paris.
En revanche l’autre voeu présidentiel, un musée du terrorisme (?), semble avoir du plomb dans l’aile ; on ne saura pas quelle sorte d’historien aurait cautionné un tel musée, compte tenu de l’implication de toutes les grandes puissances occidentales dans le terrorisme international au cours de la Guerre froide (1950-2024).
E. Macron est beau joueur avec son musée du dessin de presse, étant donné qu’il est la cible de tous les caricaturistes de France (et d’Angleterre) depuis le début de son mandat. A moins que son rôle ne soit d’être un paratonnerre concentrant sur sa tête les caricatures ?
« Il y a quelques années, l’idée d’une expo de dessins autorisée par les flics [le préfet de police Nunez] aurait fait rigoler Charb, Cabu et leurs copains… » conclut « Le Canard enchaîné ». Le Canard a l’air d’ignorer que le droit français, en soumettant la liberté d’expression à l’ordre public, le soumet de facto à l’appareil judiciaire… dont le Canard est bien placé pour savoir qu’il n’est pas toujours indépendant.
Hommage piégé
Natacha Polony, rédactrice en chef de l’hebdo « Marianne », a-t-elle décidé de se faire hara-kiri ? En titrant « Charlie-Hebdo : dix ans de récupération », à la veille de l’hommage officiel aux victimes, dix ans après la fusillade, « Marianne » met les pieds dans le plat en suggérant que le mouvement de sympathie « Tous Charlie » ne fut pas entièrement spontané.
Menacé de disparaître depuis que son propriétaire le magnat tchèque D. Krétinski a décidé de le mettre en vente (les opinions de « Marianne » nuisent-elles à la stratégie industrielle de l’homme d’affaire ?), le « Marianne » de N. Polony est le seul hebdo à fort tirage à critiquer l’alignement de la France sur la politique étrangère de Washington.
Mais « Le Nouvel Obs » va plus loin encore que « Marianne » : constatant le divorce entre la jeune génération et « Charlie-Hebo » depuis l’attentat, l’hebdo écrit : « Pauline, 24 ans, jeune militaire et fille de profs lyonnais, est la seule de notre panel à se dire encore et toujours « inconditionnellement Charlie ».
Par chance Pauline est une femme, sinon c’était l’adjudant Kronenbourg le dernier jeune lecteur du panel de “L’Obs”.
Par ailleurs la préface du tract Gallimard en hommage à « Charlie-Hebdo » a été confiée à Jean-Noël Jeanneney, ancien haut fonctionnaire et plusieurs fois ministre de F. Mitterrand. Cet universitaire a tendance à sous-estimer la censure au cours du second septennat de F. Mitterrand et à minimiser les conséquences du rapprochement entre le “Charlie-Hebdo” de Philippe Val et les instances dirigeantes du PS.
Caricature antiparlementaire par PIEM.
Histoire de la Caricature
Un détail interroge dans « L’Histoire de la caricature » d’Y. Frémion (Glénat, nov. 2024) ; celui-ci déclare, à la fin de son volumineux ouvrage, qu’il « regrette évidemment l’absence de dessins de Cabu et Riss ». Apparemment il n’a pas été autorisé à en reproduire un seul ; on peut se perdre en conjectures sur les raisons de cette censure : Y. Frémion souhaitait peut-être reproduire des dessins antisémites (anti-Nétanyahou) de Cabu et Riss ?
Un autre détail intéressant : si Y. Frémion ne cache pas que l’antiparlementarisme est loin d’être une spécialité « d’extrême-droite » (Daumier a peut-être produit la satire la plus efficace dans ce domaine), il semble considérer cet aspect de la satire comme un péché grave ; or les institutions de la Ve République et leurs dirigeants reposent sur le pire des antiparlementarismes, qui consiste dans le simulacre d’un pouvoir législatif autonome du pouvoir exécutif. L’antiparlementarisme est donc depuis 1958 une critique a minima de la formule démagogique bonapartiste restaurée par de Gaulle.
La Censure, c’est la Liberté d’expression
La censure à répétition de caricatures de B. Nétanyahou par la presse anglo-saxonne depuis l’affaire du “New York Times” suggère un dispositif orwellien puisque cette presse ne cesse de se prévaloir de la liberté d’expression. Comme on pouvait s’y attendre, cette censure s’est renforcée depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, comparable au conflit entre la France et le FLN algérien.
L’alternance démocrate/républicain ou gauche/droite fait partie intégrante du dispositif orwellien puisque les deux partis s’accusent réciproquement de bafouer la liberté d’expression. Elon Musk a ainsi accusé les services secrets américains de contrôler le réseau social “Twitter” pour le compte du parti démocrate, et M. Zuckerberg a avoué juste avant les résultats de l’élection américaine que c’était bien le cas.
Après s’être vu refuser par la rédaction du “Washington Post” la publication de la caricature ci-dessus, Ann Telnaes a préféré donner sa démission (elle a déclaré que c’était la première fois qu’elle essuyait un tel refus). S’il ne s’agit pas ici d’un cas positif de censure, il souligne un phénomène invisible de censure en amont, par les rédacteurs en chef eux-mêmes.
La Fontaine vu du Japon
Les fables de La Fontaine sont une source d’inspiration pour les caricaturistes, qui n’en admirent pas tant le style que la finesse psychologique ; au pays du coq orgueilleux, la vie politique a des airs de basse-cour, et les renards profitent de la situation.
L’école républicaine a retenu pour plaire aux écoliers les fables mettant en scène des animaux, les plus pittoresques ; celles avec des êtres humains ne sont pas moins subtiles, mais l’éditeur japonais qui, au XIXe siècle, a choisi de les faire illustrer dans le style local, a opté lui aussi pour le pittoresque. La faune japonaise n’est pas exactement la même et on a procédé à quelques substitutions, comme cet ibis qui remplace une cigogne au pied levé.
Les éditions Picquier proposent aux lecteurs français cette version japonaise des Fables (depuis 2018). Une remarque technique au passage, car cet éditeur n’est pas le seul coutumier du fait : publier une illustration sur une double page pour la mettre en valeur est vain si on coupe en deux cette illustration à l’endroit le plus intéressant, qui disparaît dans la pliure.
Caricatures fraîches par Delestre (“Facebook”), M. Schmitt (“Zébra”), Gros (“Marianne”), Mougey (“Le Canard enchaîné”), Micaël (“L’Humanité”), Chappatte (“Facebook”), Félix (“Charlie-Hebdo”) & Zombi (“Zébra”) :
par Delestre.
par M. Schmitt.
par Gros.
par Mougey.
par Micaël.
par Chappatte.
par Félix.
par Zombi.