REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°115

16 Juin

16 juin 2024

Vienne après Paris

Dans la même veine que le « Picasso » de J. Birmant et C. Oubrerie, plutôt réussi, le biopic de Kokoschka (1886-1980) par Max Vento replace le peintre viennois expressionniste dans son contexte (éd. Steinkis, 2024).

La Vienne du début du XXe siècle paraît singer Paris en tous points. S. Freud et la psychanalyse, les romans de Zweig, les cafés viennois, la peinture de Gustave Klimt ou de Kokoschka, ont un air de déjà vu : le peu d’intérêt des Français pour ces produits viennois typiques s’explique ainsi ; Vienne n’est pour les Parisiens qu’une réplique ; quand ils admiraient autre chose que leur nombril, les Français se tournaient plutôt du côté de l’Italie ou de l’Angleterre.

La passion d’Oscar Kokoschka pour la veuve du compositeur Mahler, Alma, semble répéter la passion d’Honoré de Balzac pour la comtesse de Hanska. Les deux femmes étaient flattées d’être les muses de grands artistes ; elles tombèrent enceintes, mais leurs grossesses n’allèrent pas jusqu’à leur terme. La même folie anime les deux couples, bien que Balzac y ait mis encore plus de fougue, poursuivant de ses assiduités une femme qui vivait pratiquement à l’autre bout du monde. On en déduit parfois un peu hâtivement que la folie est propice à l’art : en réalité les crises de démence de Balzac alternaient avec des épisodes de grande lucidité et de travail intensif. L’exaltation de Kokoschka a peut-être la même cause.

Alma fut pour Kokoschka la muse des débuts, contribuant par ses relations dans la haute société viennoise au « lancement » de l’artiste-peintre. La Grande guerre, au cours de laquelle Kokoschka sera fauché par un groupe de cosaques, entraînera la rupture définitive des amants, ainsi que l’effondrement d’une Europe minée de l’intérieur. Kokoschka aura encore une longue carrière après la guerre, s’arrêtant parfois de peindre pour écrire des pièces de théâtre ; le biopic s’est focalisé sur le jeune Kokoschka plein d’ambition, dans une Vienne fière de briller comme Paris.

Confondant académisme et art, le parti nazi taxera ultérieurement la peinture de Kokoschka « d’art dégénéré ». Il n’est pas inintéressant d’étudier ce que le parti nazi oppose à l’art dégénéré, car en réalité presque tous les partis socialistes et/ou nationalistes au XXe siècle, non seulement le parti nazi, ont privilégié un art au niveau du spectacle, dont la fonction principale est de méduser les foules.

Fils de pub ?

Le calligraphe Ben Vautier, alias Ben, s’est éteint à l’âge de 88 ans. Ce poète-philosophe, né à Naples, étala une pensée minimaliste sur la plus grande surface possible.

Perdus au milieu de la société de consommation, les poètes ressemblent à des oiseaux tachés de mazout après une marée noire. Andy Warhol est-il un artiste ou un entremetteur de génie ? Les posters de Roy Lichtenstein se vendent comme des petits pains à la boutique du musée d’art moderne. Les clients du muséo Dali ont des têtes de clients.

Le fond du problème

« Le fond du problème, dit Marion, c'est : pourquoi les femmes prennent-elles des médicaments alors qu'elles ne sont pas malades ? »

Entre deux albums des Bidochon, Christian Binet a illustré l'histoire terriblement banale de Marion Larat, que l’humoriste dit avoir adoptée comme sa fille, après avoir été ému par sa dramatique mésaventure (éd. Dargaud, 2024).

Si l'existence de Marion est retracée avec humour par Binet, depuis le jour où la jeune femme a été terrassée, à l'âge de 18 ans, par un “AVC massif”, apparemment sans raison, mais que la jeune femme et son médecin soupçonnent d’être lié à la prise d’un médicament contraceptif, la BD ne répond pas directement à la question de fond posée par Marion. La réponse peut être formulée simplement ainsi : - parce que l'usage de substances toxiques s’est banalisé, le patient a été transformé en client.

La consommation abusive de médicaments ne fait pas ainsi seulement un nombre de victimes très difficile à calculer en dehors des scandales médicaux récurrents, donnant lieu à des poursuites judiciaires : elle détruit la médecine elle-même en brouillant complètement la notion de maladie et en menaçant le système de santé tout en entier.

Le Pr L. Périno (faculté de Lyon) a écrit un essai dédié à cette question après la pandémie de coronavirus (« Les Non-Maladies », éd. du Seuil, 2023) : ce bouquin aurait été encore plus utile AVANT. Il reste utile pour contrer la propagande des industriels qui font la promotion d’une médecine miraculeuse ; il reste utile aussi car un certain nombre de Français se croient protégés des abus par les agences de surveillance des médicaments.

L’histoire de Marion se termine bien : au prix d’efforts surhumains, elle a réussi à recouvrir presque toutes ses facultés, et à en employer une partie pour mettre en garde ses concitoyens contre l’un des nombreux aspects de l’empoisonnement industriel.

Vignette extraite de “La Passion Van Gogh”

L’âme vibrante de Van Gogh

La plateforme de “streaming” gratuit de “France-télévision” rediffuse actuellement le biopic sous forme de dessin-animé consacré au peintre tourmenté Vincent Van Gogh (paru en 2017).

La volonté des auteurs de coller au style vibrant de Van Gogh est esthétiquement discutable, mais le scénario du britannique Hugh Welchman parvient habilement à s’approcher de l'âme de l’artiste, liée à celle de son frère Théo.

Si l’art de Van Gogh est aussi moderne, c’est en raison de sa dimension eucharistique, à laquelle le titre du dessin-animé fait allusion.

Quelques caricatures fraîches par Morten Morland (“The Spectator”), Bob Moran (“Twitter”), Guy Venables (“Private Eye”), Salch (“Charlie-Hebdo”), Micaël (“Marianne”) & Zombi (“Zébra”) :

par Morten Morland

Le jeu démocratique à la française, vu du Royaume-Uni…

par Bob Moran.

Une version britannique du “Elections, piège à cons.” de “Charlie-Hebdo”.

par Guy Venables

-Ce fut terrible, horrible, un vrai carnage.

-Quoi ? le Débarquement ?

-Non, le contrôle des passeports à l’aéroport pour rentrer.

par Salch

par Micaël

Micaël est exposé au festival de BD de Delémont (Suisse) tout l’été.

par Zombi