REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°86

27 Mars 2023

Planche tirée de “Les Oiseaux de papier”, par Mana Neyestani

Conte persan

Mana Neyestani, Iranien réfugié en France, s’était fait connaître en 2015 grâce à une BD où il racontait son parcours kafkaïen (administratif) de migrant (“Petit manuel du parfait réfugié politique”).

“Les Oiseaux de papier” vient de paraître chez ça & là - une sorte de version persane du “Salaire de la peur”, puisque les héros sont un groupe hétéroclite de contrebandiers qui franchissent la montagne au péril de leurs vies.

“Le Figaro” (16 mars) ne tarit pas d’éloges ; Astrid de Larminat écrit ainsi que “le roman graphique de Mana Neyestani est une merveille. Un récit comme les Français ne sauraient pas en imaginer, ou alors il eût fallu que Zola écrive un conte avec le sens féérique de Perrault et l’humour d’Uderzo…”

“Zébra” est un peu moins enthousiaste que “Le Figaro” ; certes, comme le souligne A. de Larminat, les personnages sont bien campés et le récit offre un nombre de rebondissements suffisant pour tenir le lecteur en haleine jusqu’au bout ; mais l’intrigue sentimentale au second plan est un peu convenue et l’humour en pâtit.

(Petite rectification : on ne dessine pas à la “pointe sèche”, qui est un outil de gravure et non de dessin.)

Ed. ROUQUEMOUTE, 2023.

Taxi teigneux

Le chauffeur de taxi parisien est une sorte d’anthropologue qui compense par le ratissage du terrain sa maladresse dans le maniement des protocoles scientifiques.

Il n’est d’ailleurs pas rare que ce professionnel -qui frise souvent l’amateurisme au volant-, pratique la maïeutique quand il est lassé d’écouter “Les Grosses Têtes” ou les “Grandes Gueules” sur son transistor.

Ce qui explique que Michel de la Teigne ne manque pas d’humour, voire d’ironie dans certains cas, qu’il exerce au dépens de types célèbres ou de parfaites inconnues qui montent dans son taxi.

Deux bémols, cependant : il est peu plausible que BHL prenne le taxi SANS GARDE DU CORPS, vu son rôle de gardien des Valeurs républicaines qui, s’il venait à disparaître, priverait la France de la boussole indiquant le sens de l’Histoire.

Second bémol, les textes humoristiques intercalés entre les planches sont moins drôles (aux éditions Rouquemoute).

Liste des nominés au Prix Marcel Gotlib 2023.

Prix de la BD Marcel Gotlib

Le premier “prix de la bande dessinée d’humour Marcel Gotlib” sera décerné le 22 avril prochain lors du Festival du livre de Paris par la fille de l’humoriste ; la liste des nominés (ci-dessus) est à peine connue que, déjà, les critiques fusent, fustigeant l’absence d’une représentante du sexe anciennement faible dans cette liste.

Il est vrai que l’humour est une chose sérieuse et que l’on ne saurait en laisser le monopole aux hommes !

Caricature par Soulcié pour “Télérama”.

La méthode Soulcié

Interviewé dans « Le Petit Bulletin de Lyon », peu après le festival du dessin de presse dans cette même ville (« ça presse » - 2e édition), le caricaturiste Thibaut Soulcié divulgue sa méthode de travail ; celui-ci travaille principalement pour des hebdos à diffusion nationale, tels que “Marianne“ “Télérama” ou “L’Equipe”, dont il connaît bien le fonctionnement.

Cependant on peut se demander dans quelle mesure la caricature n’appartient pas au folklore, dorénavant, tant la presse conventionnelle semble dépassée par les réseaux sociaux dans les fonctions qu’elle occupa de 1960 à 2000, de structuration de l’opinion publique.

De fait le récent mouvement des Gilets jaunes a “échappé” à la presse et aux médias audio-visuels ; on peut penser que ce mouvement n’aurait pas eu lieu sans “les réseaux”, nouveau média transversal, dont la classe politique a échoué à prendre le contrôle (tandis que les « radios libres » furent rapidement « maîtrisées » en 1983). Diverses tentatives ont été menées pour tenter de « récupérer » les Gilets jaunes et les faire rentrer dans le droit chemin (comme celle de François Ruffin pour le parti de J.-L. Mélenchon), mais il s’agit là de tentatives « a posteriori ».

Un autre fait d’actualité illustre l’obsolescence de la presse française, qui tend à ne plus toucher que les milieux qui la produisent : le récent achat de Twitter par Elon Musk, afin de peser au maximum dans la prochaine campagne présidentielle américaine (on sait que Twitter était auparavant contrôlé par l’administration démocrate en place). Non seulement la presse conventionnelle, mais les clivages politiques français paraissent dépassés, là encore : qu’est-ce que “la gauche”, dorénavant, si ce n’est une chambre d’écho de la propagande du parti démocrate ?... tandis que “la droite” imite le populisme complotiste de Donald Trump (le poutinisme, lui, n’est significatif que du retard économique entre la Russie et les Etats-Unis… retard que Poutine cherche à rattraper !).

Quelques caricatures plus ou moins fraîches, par Wolinski, Banx, tOad et Zombi…

Les CRS par Wolinski.

Caricature par Banx (“Financial Times”, Royaume-Uni.)

Caricature par tOad et C. Philippon.

Caricature par Zombi pour le fanzine Zébra.