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REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°84
26 Février 2023
La femme limace de Junji Ito
Le goût de l’horreur
Désireux de rajeunir son lectorat, à moins qu’il ne s’agisse d’affranchir celui d’âge canonique, “Le Monde” consacre une pleine page (31 janvier) à Junji Ito, mangaka hyper-stylé, spécialiste du manga horrifique, qui vient d’être invité à exposer son travail au dernier festival de BD d’Angoulême.
Initiation assurée par Pauline Croquet, qui explique ce que Junji Ito a dans le ventre : “Raconter de l’horreur était une évidence. Marqué très jeune par des films comme “L’Exorciste” de William Friedkin (1973) (…) ou “Suspiria” de Dario Argento (1977), Ito n’échappe pas, depuis la province rurale de Gifu où il grandit, au boom de tout ce qui est lié aux sciences occultes, les ovnis, la télékinésie...”. Première info (les lecteurs de “Zébra” le savaient déjà) : le manga est une culture plus américaine que japonaise.
Deuxième info : “Au milieu des années 1980, l’éditeur Asashi Sonorama, dont le nom est indissociable de la J-Horror dans l’archipel, lance Gekkan Halloween, une nouvelle revue horrifique à destination des jeunes filles, principales consommatrices de ce registre au Japon.”
Comme quoi l’horreur est humaine !
Le Père Ubu dessiné par A. Jarry.
Ubu qu’est-ce ?
Devançant “Hara-Kiri”, Alfred Jarry (1873-1907) peint le triomphe de la vulgarité bourgeoise, qui occupe au XXe siècle presque toute la place.
C’est, selon moi, ce que Ubu exprime ; mais voyons plutôt ce qu’en dit André Breton dans son “Anthologie de l’humour noir”, où il range Jarry en compagnie d’autres humoristes ou farceurs plus ou moins sérieux :
« (…) En l’occurrence, l’œuf, c’est bien M. Ubu, triomphe de l’instinct et de l’impulsion instinctive, comme Jarry le proclame lui-même : « Semblable à un œuf, une citrouille ou un fulgurant météore, je roule sur cette terre où je ferai ce qu’il me plaira. D’où naissent ces trois animaux [les palotins] aux oreilles imperturbablement dirigées vers le nord et leurs nez vierges semblables à des trompes qui n’ont pas encore sonné. (…)
Telle est, selon nous, la signification profonde du caractère d’Ubu, telle est en même temps la raison pour laquelle il excède toute interprétation symbolique particulière. Comme a pris le soin de le déclarer Jarry, « ce n’est pas exactement Monsieur Thiers, ni le bourgeois, ni le mufle. Ce sera plutôt l’anarchiste parfait avec ceci qui empêche que nous devenions l’anarchiste parfait que c’est un homme, d’où couardise, saleté, etc. »
Charlie et la Chocolaterie, illustration par W. Blake.
Chocolat allégé
“Si Obélix est gros, ce n’est pas pour blesser mais pour faire rire.” a déclaré Anne Goscinny pour apporter sa contribution au débat : - Faut-il récrire “Charlie et la Chocolaterie” de Roald Dahl pour ne pas vexer les enfants excessivement adipeux et dénués d’autodérision ?
Je dirais même plus : il ne faudrait pas voir dans la potion magique du druide Panoramix une apologie de la bombe A et ses potentiels génocides !
A ce débat se sont mêlés des jouteurs aussi prestigieux que la reine consort Camilla d’Angleterre, l’increvable Salman Rushie, et à peu près tous les critiques littéraires et pédopsychiatres-experts d’Occident. On ne plaisante pas avec la littérature au Royaume-Uni, encore moins avec la littérature pour enfants.
Et puis il faut bien tuer le temps pendant qu’on s’entretue en Ukraine : littérature enfantine et propagande de guerre ne sont-ils pas deux genres connexes ?
Caricature par Draner (Le Charivari).
Caillebotte caricaturé par Draner
Le Musée d’Orsay vient d’acquérir avec l’aide de la Fondation LVMH un tableau du peintre impressionniste Gustave Caillebotte intitulé : “Canotier au chapeau” (1878). Comme Manet, Monet et Renoir, Caillebotte avait adhéré à un “club de voile”.
Les caricaturistes n’hésitaient pas au XIXe siècle à caricaturer leurs confrères peintres ; cela revenait à caricaturer le cinéma aujourd’hui, puisque les peintres exposés lors des “Salons” représentaient l’art officiel. Le peintre Courbet, en particulier, fit les frais de ces moqueries. Peu furent épargnés ; le public des Salons y passait aussi.
“Le Charivari” s’était fait une spécialité de ces caricatures, avec son “Salon amusant”, employant notamment Cham et Draner. Comme on peut le voir dans la synthèse ci-dessus, le caricaturiste belge Draner s’en est donné à coeur-joie avec Caillebotte et les impressionnistes (Caillebotte n°3 : Chemin montant... par les têtes), moquant dessin et sujets.
Caricatures par Kurt & Zombi
Caricature par Kurt.
Caricature par Zombi pour le fanzine Zébra.