REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°118

11 Août 2024

par Jan Harmenz van Bijlert (vers 1635)

Parade amoureuse

Il est trop tôt pour dire si les retombées des Jeux olympiques seront celles espérées par ses organisateurs, E. Macron en tête, à savoir restaurer la confiance des investisseurs dans la capacité de la France à rembourser ses dettes.

La cérémonie d’ouverture fut donc une sorte de parade amoureuse, mobilisant tout ce que Paris possède encore de charmes vénéneux. Le meilleur portraitiste de Paris, H. de Balzac, n’écrivait-il pas qu’« à Paris tout fait spectacle, même la douleur la plus vraie. » ?

Faire d’une reine cruellement décapitée un spectacle serait choquant partout ailleurs qu’en France : la première Dame a pu se rassurer en se disant que, fort sagement, la garde républicaine a été doublée depuis Marie-Antoinette.

Le tableau représentant le festin des dieux a été copieusement commenté à travers le monde. Etait-ce prévisible ? Non, car les foucades de Donald Trump sont aussi imprévisibles que le hasard, qui a dévié la balle qui le visait d’un centimètre. Le hasard, justement, n’est pas très loin de ce que représente Bacchus dans la culture antique, une sorte de destin que les alcooliques ont tendance à confondre avec Dieu.

Dans ce tableau, D. Trump & Cie ont vu une parodie insultante de la Cène, c’est-à-dire du dernier souper de Jésus avec ses apôtres, et ce malgré Bacchus au premier plan. Ce thème est un classique de la peinture italienne de la Renaissance, illustrant des récits antiques par Homère, Hésiode, Ovide… ; il a beaucoup été imité ensuite, en particulier par les peintres hollandais. La version ci-dessus, par Jan Harmenz van Bijlert, trahit un syncrétisme religieux, un mélange de christianisme et de paganisme, lui aussi assez banal, typiquement italien. L’ambiguïté est cultivée ici entre Apollon, patron des arts muni de sa lyre, et Jésus-Christ prenant son dernier repas avec ses apôtres.

De là à dire que la culture « queer » est cryptocatholique, il y a un pas que D. Trump hésitera à franchir pour ne pas froisser la frange catholique de son électorat.

“Gazoline Alley” par Frank King.

Comic-strip

« Gasoline Alley » est un comic-strip créé en 1918 par Frank King (1883-1969) pour le « Chicago Tribune », dont les éds. 2024 proposent une sélection traduite en français.

Comme son nom l’indique, « Gasoline Alley » raconte des histoires d’automobile et d’automobilistes, faites pour divertir le lecteur entre deux articles suivant la loi du genre. Frank King lui-même avait une passion pour la mécanique, et n’en était pas à sa première ode burlesque à la vitesse et au moteur à explosion, ayant publié auparavant « Motorcycle Mike », au titre non moins explicite. Les comic-strips de Frank King sont typiques de la culture populiste américaine du début du XXe siècle, au même titre que les cartoons (dessins-animés) : on comprend pourquoi l’écologie fera un tel « flop » ultérieurement aux Etats-Unis.

Le contraste est saisissant avec la réaction des artistes européens à l’industrialisation des paysages et des moeurs, réaction qui sera naturellement amplifiée par la guerre de 1914-18. Plusieurs auteurs satiriques posèrent ainsi l’équation de la bêtise moderne et de l’automobilisme ; les Français Léon Bloy, puis Alfred Jarry, précédant l’humoriste britannique Evelyn Waugh entre les deux guerres, ont souligné l’insanité radicale des courses automobiles et en ont fait l’emblème de la bêtise moderne ; dans le même esprit, on peut lire le n° thématique “Accidents” du “Canard Sauvage” (1903).

La contre-culture hippie non-violente et écologique s’inspirera logiquement de la littérature et de l’art européens.

Il n’est pas bien difficile de comprendre pourquoi la presse populiste américaine faisait la promotion, à travers les comic-strips, du progrès technique débridé et, en définitive, incontrôlable, devenu en moins d’un siècle la nouvelle religion des Etats-Unis. Nouvelle religion, car le progrès technique est perçu par une grande majorité de citoyens américains comme miraculeux. Dès le début des années 1930, l’anglais Aldous Huxley avait finement analysé ce progressisme nihiliste américain (il séjourna en Californie), prédisant l’explosion de la consommation de produits stupéfiants aux Etats-Unis.

La maîtrise formelle de Frank King contraste avec la débilité mathématique de son propos, et un humour répétitif, basé comme celui des cartoons sur l’accident violent. Après quelques strips assez plats, « Gasoline Alley » prend un tour franchement incongru, qui éveille l’intérêt du lecteur : le héros de la série, célibataire (ou marié avec son auto), trouve un beau jour un bébé déposé sur le pas de sa porte : ce dépôt encombrant (pour un célibataire) va avoir l’effet d’un chien dans un jeu de quilles - astuce géniale.

“Cheval emballé” par Guo Chengdong (2009)

Une poignée d’expos estivales :

  • Le musée Cernuschi (Paris 8e) dédié aux arts d’extrême-Orient ne recèle pas seulement une collection d’opulents bouddhas ; il propose (jusqu’en sept.) une expo. gratuite sur le thème de l’art équestre chinois. On peut y admirer cet ironique “Cheval emballé” (ci-dessus) figurant peut-être la condition de l’artiste en Chine à l’heure de la production industrielle en série d’objets manufacturés.

  • Expo-vente des dessins de Philippe Vuillemin à la galerie Napoléon à Paris (1er ), jusqu’au mois de septembre.

  • Une expo. de planches originales d’Hugo Pratt se tient à la bibliothèque du musée Pompidou à Paris (jusqu’au mois de novembre) ; on peut y admirer comment cet autodidacte, qui renouvela la bande dessinée d’aventure, s’appropria le style des comics américains en l’allégeant.

  • La duduchothèque de Châlons-en-Champagne propose une expo. de caricatures sur le thème du sport, ou plutôt de ce qu’il en reste.

  • Saint-Just-Le-Martel, haut-lieu creusois de la caricature, propose aussi une expo. sur le thème des Jeux olympiques et paralympiques… sous l’angle de l’humour, les organisateurs tiennent-ils à préciser ; ce n’est pas tout à fait exact, puisque cette expo. est couplée à une expo. rétrospective d’affiches des JO.

Caricature fraîches, par el Koko (Espagne), Sié (“Siné-Mensuel”), Banx (“Financial Times”), Placid (“Facebook”), Laouber (“Zébra”) & Zombi (“Zébra”) :

par el Koko.

par Sié.

par Banx.

par Placid.

par Laouber.

par Zombi.

par Zombi.