REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°117

14 Juillet 2024

Amphore grecque (musée archéologique de Naples)

Sport et sport

Depuis quelques années se tient à Fontainebleau au printemps un festival d’histoire de l’art ; sport et jeux olympiques étaient au programme de la dernière édition.

Véronique Dasen, professeure d’archéologie antique à l’université de Fribourg a souligné dans une conférence les différentes conceptions du sport à travers les âges et les civilisations. Le verbe grec « paizeïn » a le double sens de « jouer » et « séduire » ; le jeu est une conception plus romaine que grecque du sport, si bien que les sports collectifs, plus ludiques, étaient exclus des jeux grecs.

Les femmes pouvaient faire du sport dans la Grèce antique, à condition d’être célibataires et de revêtir des sortes de jupes courtes. Ces jupes donneraient peut-être satisfaction aux mouvements féministes qui protestent contre la dotation de tenues transformant certaines disciplines en spectacle érotique ?

Battre des records n’était pas non plus selon V. Dasen dans la mentalité du sport antique, qui s’appuyait sur l’émulation.

Les jeux modernes reflètent le culte industriel de la performance technique. Les jeux paralympiques, inventés récemment, sont une version de l’esprit de compétition qui met mal à l’aise, compte tenu du nombre de victimes, non seulement du dopage médical (sur ordonnance), mais de l’industrialisation sauvage. Que penser, par exemple, d’une joueuse de tennis-fauteuil qui, fauchée par une automobile en plein centre-ville et gravement mutilée à la suite de cet accident, se transforme femme-sandwich pour le compte des industriels qui sponsorisent les jeux olympiques ? Conçus au départ comme un outil de rédemption par le sport, les jeux paralympiques ont vite été transformés en outil promotionnel, d’une manière qui fait penser au « greenwashing ».

Voici ce que le philosophe grec Epictète (50-125 ap. J.-C.) écrivait à propos des Jeux olympiques : “Tu veux devenir champion aux Jeux olympiques ? Moi aussi je voudrais bien, par Zeus ! C’est là une bien belle chose ! Mais réfléchis d’abord à ce qu’il faut faire pour y parvenir. Alors seulement tu t’y mettras. Il faut se plier à une discipline, suivre un régime, ne pas manger de pâtisseries, suivre, à heure fixe, un entraînement forcé, qu’il fasse chaud ou froid ; ne pas boire frais et s’abstenir de vin… Bref, il faut se livrer à son entraîneur comme à un médecin. Ensuite, pendant les épreuves, il faut se couvrir le corps de poussière ; on risque de se fouler le poignet ou de se donner une entorse, d’avaler beaucoup de poussière, ou encore d’être fouetté [en cas de faute signalée par l’arbitre]. Et, après tout cela, il se peut que tu sois vaincu. Réfléchis donc. Si cela ne te fait pas peur, alors oui tu peux devenir athlète.” (Manuel, XXIX)

Une Charlie-Hebdo 1er juill. par Riss

Les temps sont durs pour la caricature

En 2022 « Charlie-Hebdo » a rompu avec la tradition abstentionniste de la presse satirique française, illustrée dans ses pages par Reiser et Wolinski, notamment ; “Charlie” a encore appelé en 2024 ses lecteurs à participer aux élections législatives anticipées ; l’hebdo s’est éloigné au fil du temps de la satire des institutions gaullistes de la Ve République, que le mouvement contestataire de “Mai 68”, proche de “Charlie-Hebdo”, n’hésitait pas à assimiler au “fachisme”.

Les partis extrémistes que « Charlie-Hebdo » décrit comme une menace pour la société française ne sont que la conséquence de ce dispositif institutionnel.

La mise en vente de l’hebdo « Marianne » - employant une poignée de caricaturistes - par son propriétaire, l’homme d’affaire tchèque D. Krétinski, qui l’avait acquis en 2018, illustre aussi l’usage de la presse écrite à fort tirage afin de peser sur l’opinion publique et jouer un rôle de propagande économique et politique ; si les motivations des industriels V. Bolloré, B. Arnault, X. Niel, P. Drahi… sont assez transparentes, on pouvait se demander quel but poursuivait D. Krétinski ? La volonté d’indépendance exprimée par Natacha Polony, rédactrice en chef de « Marianne », semblait… d’un autre âge. Comme « Marianne » est le seul hebdo à avoir émis des doutes sur la stratégie de l’OTAN en Ukraine (chroniqueur dans « Marianne », l’essayiste Emmanuel Todd a même osé y pronostiquer la victoire de V. Poutine), on est tenté d’interpréter le retrait de D. Krétinski comme un repli… tactique.

Enfin les déboires de « Siné-Mensuel », qui ne parvient plus selon sa directrice Catherine Sinet à faire face à ses dettes et fait une nouvelle fois appel aux dons, rappelle la précarité de la presse dite “alternative”, précarité que les médias adossés à des groupes industriels ne connaissent pas.

Ci-dessus le faire-part de décès du “Sans-Culotte”, périodique satirique vendéen qui vient de mettre la clef sous la porte.

Pastiche par Jochen Gerner

Guerre froide et bande dessinée

La Guerre froide fut la toile de fond de très nombreuses bandes dessinées franco-belges à succès ; non seulement “Tintin & Milou”, mais encore “Spirou & Fantasio”, “Blake & Mortimer”, “Buck Danny”, “Lefranc”, etc.

Jochen Gerner dans « Mon Lapin quotidien n°29 » en a bien cerné le fil conducteur dans son pastiche (ci-dessus) ; ces séries étaient propices au complotisme.

Hergé s’est montré à la fois critique du totalitarisme soviétique et de l’impérialisme américain dans ses albums, dédouanant les Belges, ou les Européens. Lorsque le Pr Tournesol brûle les plans des machines qu’il a conçues (« L’Affaire Tournesol »), préférant les détruire pour qu’il n’en soit pas fait un usage militaire, on pense bien sûr à l’attitude contraire de l’ingénieur R. Oppenheimer, qui mit son talent au service d’un des pires crimes de guerre du XXe siècle.

par Vuillemin

Une poignée d’expos estivales :

  • Expo-vente des dessins de Philippe Vuillemin à la galerie Napoléon à Paris (1er ), jusqu’au mois de septembre.

  • Une expo. de planches originales d’Hugo Pratt se tient à la bibliothèque du musée Pompidou à Paris (jusqu’au mois de novembre) ; on peut y admirer comment cet autodidacte, qui renouvela la bande dessinée d’aventure, s’appropria le style des comics américains en l’allégeant.

  • La duduchothèque de Châlons-en-Champagne propose une expo. de caricatures sur le thème du sport, ou plutôt de ce qu’il en reste.

  • Saint-Just-Le-Martel, haut-lieu creusois de la caricature, propose aussi une expo. sur le thème des Jeux olympiques et paralympiques… sous l’angle de l’humour, les organisateurs tiennent-ils à préciser ; ce n’est pas tout à fait exact, puisque cette expo. est couplée à une expo. rétrospective d’affiches des JO.

Quelques caricatures fraîches par Micaël (“Siné-Mensuel”), Piérick (“Fakir”), Mykolas (“Facebook”), tOad (“Twitter”) & Zombi (“Zébra”) :

Micaël (Une de Siné-Mensuel été 2024)

par Piérick

par Mykolas

par tOad

par Zombi