REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°102

17 Décembre 2023

par SILEX.

Comment raison garder ?

Une toile de Giuseppe Césari (17e siècle) illustrant la fable de Diane surprise au bain par Actéon, a fait scandale la semaine dernière - ou plutôt son utilisation par une prof de collège des Yvelines pour illustrer son cours de français.

Le nouveau ministre de l'Education a conçu quelques nouveaux gadgets pour enrayer le déclin de l'école, mais pas de paratonnerre pour empêcher les polémiques médiatiques à répétition de perturber les cours.

On peut supposer que cette prof de français a pris la toile de Giuseppe Césari (détournée ci-dessus par Silex) comme exemple du genre de peinture condamné par les philosophes des Lumières, en particulier Diderot. Contre l'art rococo décadent du XVIIIe siècle, Diderot prônait en effet une peinture faite pour édifier le peuple ; ce n'est pas tant la nudité qui gênait Diderot que la vanité de ce festival de couleurs et de chair (Boucher, Fragonard…) -indécent car gratuit (la pornographie du XVIIIe siècle, en somme).

La révolution bourgeoise de 1789 fut, sur le plan culturel, une révolution puritaine et, d’une certaine façon, on peut dire que les Français musulmans outrés par la pornographie sont les derniers héritiers de la philosophie des Lumières : ils réclament un enseignement édifiant.

En deux siècles, la mondialisation a transformé les Français en « privilégiés » (ou en domestiques des privilégié,s quand leurs revenus n'excèdent pas le SMIC). Les profs ne l'entendent pas de cette oreille : ils ne se considèrent pas comme des domestiques, croyant naïvement pour beaucoup d’entre eux que leur statut de fonctionnaire leur procure l’indépendance.

Ill. par Zombi pour “La Revue Z”

Dictionnaire trop amoureux

Serge July (ex-rédac-chef de “Libération”) fait dans son « Dictionnaire amoureux du journalisme » (ed. Plon, 2014) l’apologie de Georges Orwell ; il lui accorde d’avoir « élevé le journalisme au rang d’art ». Est-ce vraiment le cas ? Orwell cherchait une forme d’expression qui lui permette d’atteindre les strates popualires ; le socialisme, devenu un étatisme, en avait selon lui perdu la faculté. Pas si facile d’écrire pour le peuple, car Orwell n’était pas exactement issu d’un milieu plébéien (Marx non plus), il venait plutôt de la classe moyenne. Le but d’Orwell était de contrer l’influence néfaste des gros médias capitalistes, non seulement sur le peuple mais sur la civilisation.

Suivant la formule de S. July, on pourrait croire qu’Orwell a souhaité ennoblir le journalisme, alors qu’il a plutôt voulu ennoblir le peuple. Comme quoi il y a une différence entre être amoureux du journalisme et écrire son histoire.

NB : Dans une revue littéraire à paraître bientôt (courant janvier) en marge du fanzine Zébra, La Revue Z, nous revenons sur cet affrontement ouvert entre Orwell et l’intelligentsia européenne, qui ressemble beaucoup au combat de David contre Goliath, tant les forces peuvent paraître disproportionnées entre un type souffreteux, armé d’une machine à écrire, et des magnats de la presse propriétaires de 99% des titres disponibles en kiosque.

par Dupé.

Chaval de retour

Cabu a eu peu d’imitateurs ; son dessin est basé sur l’observation attentive du monde extérieur dès l’enfance. Le style plus personnel de Reiser, aiguillé par F. Cavanna, a eu beaucoup plus d’émules, sans doute trop. On aurait tort de croire qu’il suffit de faire laid pour faire du Reiser.

Mais imiter le style de Reiser n’est pas forcément imiter son esprit.

Sur Facebook, un certain Dupé propose des caricatures imitant Chaval (1915-1968), dont les caricatures soulignaient avec talent la folie ordinaire de l’homme moderne, une forme d’inconséquence radicale. Ce Dupé imite jusqu’à la signature de Chaval ! A vous de juger s’il en a capté l’esprit…

La BD dite “alternative”

Frédéric Hojlo consacre un bouquin à la nouvelle bande dessinée alternative, portée à bout de bras par de petits éditeurs indépendants, regroupés dans un syndicat qui s’engage à reverser 10% minimum aux auteurs qu’elle publie (sur le prix de vente) ; 10%, ça peut paraître mince, mais ça excède les 5 ou 6% concédés par d’autres éditeurs (le secteur des livres destinés aux enfants est le moins rémunérateur car les livres pour enfants sont vendus en moyenne moins cher).

Sans ces éditeurs, dont F. Hojlo a interviewé une bonne dizaine, actifs au cours des vingt dernières années, il n’y aurait plus guère que l’exploitation du filon de l’âge d’or de la BD franco-belge sur les étals des libraires, à quoi il faut ajouter le nouveau filon des mangas.

Encore faut-il préciser le terme « alternatif » : ces petits éditeurs bénéficient presque tous de subventions d’organismes culturels publics, français ou belges, sans quoi ils ne survivraient pas, ce d’autant moins que beaucoup de libraires mettent en avant les grosses productions.

« L’âge d’or franco-belge » était lié au dynamisme de la presse pour ados, qui n’a pas résisté à la concurrence des programmes télé gratuits.

Quelques caricatures fraîches par Piérick (“Fakir”), Pascal (“Twitter”), Micaël (“Facebook”), Gros (“Marianne”) & Zombi (“Zébra”) :

par Piérick.

par Pascal.

par Micaël.

par Gros.

par Zombi.