REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°100

19 Novembre 2023

pastel par Steinlein.

Hommage à Steinlein

Le musée de Montmartre, sis en surplomb des Jardins Renoir et d’un carré de vigne, rend hommage au caricaturiste suisse Théophile Steinlein (1859-1923) jusqu'au mois de février ; Steinlein, installé à Montmartre, n’était pas le meilleur des caricaturistes anarchisants (sans affiliation politique), qui remplirent de caricatures quelques titres de presse français à la fin du XIXe siècle, dont « L’Assiette au Beurre » est le plus connu ; “L’Assiette” est cependant nettement surclassé par l’éphémère « Canard Sauvage » en raison des « plumes » qui complètaient cet hebdomadaire dédié à la satire des moeurs et de la politique bourgeois (Alfred Jarry, Jules Renard, Franc-Nohain, Octave Mirbeau, Pierre Soulaine…) ; proche d’Hermann-Paul par le style, Steinlein a un humour moins caustique.

L’exposition montre surtout des toiles de Steinlein, qui ne se limitait pas à la caricature dans les journaux, peu rémunératrice. Mais, dans le domaine pictural, Steinlein n’égale pas Toulouse-Lautrec, de quelques années plus jeune, ni même Daumier.

Sa gloire ou sa notoriété posthume, Steinlein la doit surtout aux chats, en particulier à l’un d’entre eux, « Le Chat Noir » de Rodolphe Salis, cabaret montmartrois doublé d’une feuille satirique dirigée par A. Allais. Steinlein fournit au « Chat Noir » de nombreuses publicités, dont une affiche célèbre dans le monde entier. Comme Montmartre est considéré aux Etats-Unis comme la Mecque de l’art moderne, on comprend que le musée, qui a une importante clientèle américaine, ait choisi Steinlein. Une exposition axée sur les caricatures aurait cependant permis d’initier les touristes à la véritable histoire de la République française et ses crimes constamment renouvelés vis-à-vis des classes ou des catégories les plus pauvres, histoire soigneusement ensevelie sous la légende dorée du roman national.

Démarquée de la propagande libérale de Delacroix (le peintre reniera son libéralisme à la fin de sa vie, le qualifiant de “régime d’agioteurs”), la représentation de la République par Steinlein (ci-dessus), non moins romantique, indique que la République française n’a jamais communié aux mêmes “valeurs”.

La référence biblique de Steinlein (qui avait fait des études de théologie) au veau d’or, souligne que la “laïcité” vantée par certains milieux proches de la police aujourd’hui, n’a jamais existé en France que comme valeur bourgeoise opposable aux pauvres (ouvriers et paysans hier, migrants aujourd’hui).

par Steinlein.

Les commissaires de l’expo. opèrent d’ailleurs un rapprochement indu entre Steinlein et Zola ; tandis que l’hostilité à la Commune de ce dernier est bien connue, il était difficile de faire plus communard que Steinlein, comme la caricature ci-dessus au vitriol, datant de 1903, le montre ; Steinlein y épingle les ex-communards survivants, reconvertis en politiciens après leur amnistie par la gauche bourgeoise, qui saura utiliser le martyre des Communards pour servir sa propre cause… jusqu’au XXIe siècle !

par Steve Bell (“The Guardian”)

Propagande de guerre et censure

Le caricaturiste du « Guardian » de Londres, Steve Bell, a été remercié subitement, sous prétexte d’antisémitisme, après avoir osé caricaturer B. Netanyahou, chef de l’Etat israélien désormais en guerre contre le parti palestinien du Hamas, qu’il avait lui-même cru opportun de promouvoir pour scinder en deux la “cause palestinienne”.

Ce limogeage n’étonne pas grand-monde en France, où l’accusation d’antisémitisme est depuis longtemps prétexte à intimider quiconque dérange l’organisation oligarchique des médias. Cette accusation dirigée contre le caricaturiste Siné, quelques années avant le raid meurtrier des frères Kouachi, avait permis de faire éclater la rédaction de « Charlie-Hebdo », rare titre de presse indépendant.

Dernièrement l’équipe de campagne de F. Fillon, puis les Gilets jaunes, ont fait les frais de telles accusations. L’indulgence dont bénéficie soudainement le Front national et le groupe de presse de V. Bolloré a le mérite de dissiper tout doute sur l’usage de l’accusation d’antisémitisme comme procédé de diffamation.

L’éviction de Steve Bell n’est pas plus choquante que les “subventions” accordées par Bill Gates à la presse européenne, à commencer par « The Guardian ». Elles ne sont pas sans lien avec le rachat par Elon Musk du réseau social « Twitter », puisque le parti républicain et le parti démocrate se livrent une bataille de mots féroce pour le pouvoir.

Les censeurs de “The Guardian” ont feint de voir dans la caricature de Steve Bell une allusion au personnage de Shylock (« Le Marchand de Venise ») qui, extrait de son contexte, peut passer pour antisémite, mais est en réalité une satire subtile de l’antisémitisme médiéval, entretenu par l’organisation économique « vénitienne ». Shylock n’est pas n’importe quel Juif, c’est un banquier juif dans un contexte où la culture puritaine dépréciait le métier de banquier, l’assignant aux Juifs.

Interrogé sur l’éviction de Steve Bell, le syndicat des caricaturistes israéliens s’est dit scandalisé. La presse israélienne est plus libre que la presse française, pour des raisons de politique intérieure israélienne faciles à comprendre. L’un des caricaturistes (cf. vidéo ci-dessous) fait remarquer que le détournement du combat contre l’antisémitisme compromet ce combat. N’est-il pas déjà compromis au stade de la théorie (libérale) du complot antisémite ? Sous diverses formes, tant universitaire que vulgaire (l’accusation “d’islamo-gauchisme” lancée à tort et à travers par J.-M. Blanquer, au risque d’importer le conflit israélo-palestinien dans l’Education nationale) ?

Chappatte entre les lignes (de front)

Depuis que “Le Canard Enchaîné” publie ses caricatures, le caricaturiste Chappatte, employé aussi par la presse allemande et suisse depuis des lustres, est plus connu des lecteurs français.

Etant donné l’alignement des médias français et allemands sur la politique du parti démocrate américain (traditionnellement plus impérialiste que le parti républicain), on peut se demander si un hebdo français aurait pu publier cette caricature ? Un hebdo britannique, sans doute. En l’occurrence, Chappatte souligne la complicité des Etats-Unis dans l’opération militaire meurtrière menée dans la bande de Gaza et sa caricature est parue dans “Le Temps” (Suisse).

SoBD 2023.

Salon SoBD

Le petit festival SoBD se tiendra comme chaque année dans le centre de Paris au début du mois de décembre. Il rendra hommage notamment le bédéaste parisien Loustal ; et proposera une rétrospective sur la bande dessinée espagnole.

Ce festival permet avant tout à de petits éditeurs et libraires indépendants de présenter et écouler leur production.

Quelques caricatures fraîches par Biche (“Charlie-Hebdo”), Klub (“Twitter”), LB (“Siné-Mensuel”) & Zombi (“Zébra”)

par Biche.

par Klub.

par LB.

par Zombi.