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REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°119
1er Septembre 2024
Trois sorcières, par G. Solotareff.
Art mineur ?
Grégoire Solotareff fait la Une de l’éclectique revue « Les Arts dessinés » (n°27, juill.-sept. 2024) ; la simplicité de son trait, à moins que ce ne soient les couleurs vives qu’il emploie, font la joie de ses lecteurs, qui ont permis à cet ancien étudiant en médecine de faire une belle carrière dans le conte pour enfants, commencée en 1985 (édité par L’Ecole des Loisirs).
G. Solotareff explique que sa mère, Russe et peintre, lui inculqua le goût de dessiner et lire - elle-même publia, sur le tard, des contes illustrés pour enfants ; l’illustrateur ne regretta pas d’avoir abandonné la médecine après quelques années d’internat. G. Solotareff a aussi réalisé plusieurs dessins animés pour enfants, dont un, « L’incroyable Secret », obtînt un César en 2013.
G. Solotareff, à rebours du relativisme de la société de consommation, présente l’illustration, son art, comme « mineur », car « lié à des contraintes éditoriales et financières » - argumentation maladroite ou approximative, car il n’y a aucun art qui ne soit lié à une contrainte financière ; le soutien financier de Théo Van Gogh à son frère ne fut pas une petite contrainte, car on soupçonne que le suicide de Vincent est lié à ses déboires commerciaux. L’art « pur » n’existe pas, en revanche certaines productions ont une valeur entièrement spéculative, souvent éphémère.
« Les Arts dessinés » publie en outre un entretien avec le caricaturiste Kiro (Ferdinand Guiraud, de son vrai nom) qui perpétue dans « Le Canard enchaîné » la tradition du portrait-charge. « De nos jours, le dessin dans Le Canard, ce n’est plus que des trous à combler. Dans les années 1970, c’était un peu plus bordélique, mais c’était joyeux. Le dessin devrait dominer et dicter la mise en page. (…) »
Et encore dans ce numéro touffu de « Les Arts dessinés », quelques pages consacrées aux caricaturistes (belge) Folon (1934-2005) et (d’origine hongroise) André François (1915-2005), deux maîtres de l’humour muet.
“San Diego”, par Jeremy Traum (2010)
Illustration libre
La publicité a longtemps procuré aux dessinateurs satiriques les moyens de subsister, en particulier lorsque les publicités étaient colorées et teintées d’un humour léger. De Gustave Jossot à Siné, les exemples sont nombreux des caricaturistes ayant ainsi porté une double casquette. Gus Bofa ne pouvait se retenir de déverser son humeur noire jusque dans les pubs qu’on lui commandait.
Vivre de son art était et reste une gageure pour un illustrateur ou une illustratrice. La carrière d’un illustrateur n’est jamais assurée : après avoir connu le succès aux Etats-Unis, Tomi Ungerer en a été banni car son humour caustique déplaisait.
Il n’est pas rare que des illustrateurs européens s’exilent aux Etats-Unis afin de pouvoir vivre de leur art, car les tirages des journaux y sont plus importants. Un illustrateur satirique m’avait confié il y a une dizaine d’année avoir touché 200 euros pour une demi-page dans « L’Express ». La rémunération des illustrateurs est d’ailleurs un vrai casse-tête, car une idée peut prendre plusieurs heures, tandis qu’elle sera exécutée en moins d’une heure.
Natif du New Jersey (1978), l’illustrateur Jeremy Traum est un de ces illustrateurs parfois libre, dont la production n’est pas seulement alimentaire ; J. Traum se dit « persuadé que le contenu doit toujours dicter le style. Le style est un élément secondaire dans une œuvre, qui découle naturellement d’un travail acharné. Le contenu est toujours ce qui interpelle le lecteur, peu importe comment il est emballé. »
Le boulanger français Joubert inventé par P. Simmonds (“Gemma Bovery”)
Pasticher Flaubert
Le pastiche du célèbre roman de Flaubert par l'illustratrice britannique Posy Simmonds est une réussite : d'abord il souligne combien le roman novateur de Flaubert, conçu à partir d'un fait divers assez banal, est plus que jamais d'actualité : en effet P. Simmonds n'a pas eu à changer grand-chose à l'intrigue pour la mettre au goût du jour. La société n'est pas moins engluée au XXIe siècle dans un narcissisme qui ulcérait Flaubert ; la situation a peut-être même empiré puisque Gemma, la nouvelle Emma créée par P. Simmonds, est une citadine, une Londonienne qui traverse la Manche pour venir s'installer en Normandie, et non une provinciale comme l'héroïne de Flaubert.
En revanche Gemma a épousé comme Emma un type sans relief, qui l'abandonne à son caprice féminin de la décoration d'intérieur, tandis qu'Emma est happée par la lecture de romans sentimentaux.
Flaubert n'est pas très éloigné de Molière, qui concevait le théâtre satirique comme un outil d'amélioration des moeurs plus efficace que les sermons des curés (cf. sa défense contre la censure de « Tartuffe »).
Comme Gemma exerce le métier d'illustratrice, on peut penser que P. Simmonds pratique aussi l’autodérision : Gemma est attirée par la France sans trop savoir pourquoi, et cette attirance causera sa perte ; c'est une anti-héroïne comme Emma.
Le personnage de Joubert, le boulanger français gardien de la culture française, est particulièrement réussi. Rien de tel que le regard d'un étranger ou d'une étrangère pour saisir l'identité nationale : voyeur, indiscret, fier d'être Français et toujours prêt à fantasmer sur une jolie femme, voilà le type français selon P. Simmonds ; l'enthousiasme que Joubert met à fabriquer du pain d'excellente qualité rachète à peine un comportement qui a tout pour agacer une Anglaise éprise de discrétion. P. Simmonds s’est-elle inspirée d’un Français en particulier pour créer Joubert ?
Le mélange de texte et d’illustrations est particulièrement judicieux, car il évoque le roman-photo et le néo-bovarysme. On perd dans cette transposition la poésie inimitable de Flaubert, son talent de peintre impressionniste ; mais P. Simmonds a su conserver le ton ironique de Flaubert.
“Cheval emballé” par Guo Chengdong (2009)
Une poignée d’expos estivales :
Le musée Cernuschi (Paris 8e) dédié aux arts d’extrême-Orient ne recèle pas seulement une collection d’opulents bouddhas ; il propose (jusqu’en sept.) une expo. gratuite sur le thème de l’art équestre chinois. On peut y admirer cet ironique “Cheval emballé” (ci-dessus) figurant peut-être la condition de l’artiste en Chine à l’heure de la production industrielle en série d’objets manufacturés.
Expo-vente des dessins de Philippe Vuillemin à la galerie Napoléon à Paris (1er ), jusqu’au mois de septembre.
Une expo. de planches originales d’Hugo Pratt se tient à la bibliothèque du musée Pompidou à Paris (jusqu’au mois de novembre) ; on peut y admirer comment cet autodidacte, qui renouvela la bande dessinée d’aventure, s’appropria le style des comics américains en l’allégeant.
La duduchothèque de Châlons-en-Champagne propose une expo. de caricatures sur le thème du sport, ou plutôt de ce qu’il en reste.
Quelques caricatures fraîches par Goubelle (“La Charente libre”), Man (“Facebook”), Banx (“Financial Times”), Kipper Williams (“Private Eye“) & Zombi (“Zébra”) :
par Goubelle.
par Man.
ASTRONAUTES PIEGES DANS L’ESPACE - “Est-ce qu’on ne l’est pas tous ?”
par Kipper Williams.
“CETTE ANNONCE COMPORTERA TROIS FAUTES DE GRAMMAIRES…”