REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°98

22 Octobre 2023

Caricature par Morten Morland (“Sunday Times” 18 oct. - GB).

La Guerre des Mots

En ces temps de drôle de Guerre froide, la presse anglo-saxonne est paradoxalement moins alignée que la presse française sur la propagande de l’OTAN. Elle semble en effet s’inquiéter des risques que comporte la stratégie de “nettoyage” de la bande de Gaza par l’Etat israélien en réplique à l’attaque du Hamas, d’une violence et surtout d’une ampleur inédite.

On note au passage que, par deux fois en quelques années, des nations dotées de la bombe atomique, la Russie et Israël, ont été mises en échec par deux nains politiques : l’Ukraine et le Hamas.

“Drôle”, la guerre ne l’est évidemment pas pour les dizaines de milliers de familles de soldats russes, ukrainiens, israéliens et palestiniens, morts au combat au cours des dernières années, ou dont la vie ne tient qu’à un fil. Elle l’est du fait de l’hésitation des grandes puissances nucléaires à s’affronter directement, donnant la préférence au financement de mouvements terroristes ou de groupes paramilitaires comme Wagner et Mozart. La guerre est “sous-traitée” comme la plupart des jobs pénibles. La guerre est drôle encore à cause de la manière dont les journalistes des chaînes d’info. comptent les points marqués, comme s’il s’agissait d’un match de rugby.

Cependant il ne faudrait pas sous-estimer la violence de la propagande, qui n’épargne personne, et dont George Orwell souligne dans “1984” qu’elle est la première des armes dont dispose un Etat totalitaire, qui ne peut se passer de l’assentiment de l’opinion publique. Et comme cette propagande, la fabrication de mots qui ne veulent rien dire, de mots creux pour mieux fuser comme des balles, est principalement le fait des intellectuels, forcément “Orwell dérange toujours”.

Mort d’un “hussard noir”

Cette bande dessinée retrace en détail les faits ayant conduit à l’assassinat de Samuel Paty à l’arme blanche par un jeune Tchétchène à Conflans-Ste-Honorine en octobre 2020... en plein jour !

On n’apprend rien que la presse n’ait déjà divulgué, à savoir qu’il y a eu une étincelle (un cours d’Histoire qui a dérapé), d’une part ; et un tonneau de poudre d’autre part (un jeune réfugié Tchétchène qui, au nom de la « guerre sainte », a assouvi sur Samuel Paty sa haine de l’Occident et des Occidentaux). Enfin les réseaux sociaux ont joué le rôle de la mèche reliant l’étincelle à la poudre. Cette présentation des faits exonère, au moins en partie, les services de police affectés à la protection du collège de S. Paty.

On sait d’ailleurs depuis le carnage de Nice en 2016 que le terrorisme perdurera tant que ses causes profondes perdureront.

La BD s’ouvre sur la cérémonie d’hommage national à Samuel Paty. Il y aurait pas mal à dire sur la place des « martyrs » et de la ferveur dans une culture laïque en principe débarrassée du mysticisme religieux par la philosophie des Lumières.

Difficile aussi d’évoquer cette affaire sans parler de la récupération politique dont elle fait l’objet. La démagogie a une caractéristique : au lieu de régler les problèmes politiques et sociaux, elle les aggrave systématiquement ; la démagogie est ce qui reste quand la politique a disparu. Un énoncé clair des faits peut permettre de désamorcer la démagogie : ici ce n’est pas ou peu le cas, bien que les faits soit minutieusement rapportés, car l’affaire Samuel Paty n’est pas un simple fait divers crapuleux, dont le mobile serait l’amour ou l’argent. Cet assassinat cristallise des éléments politiques aussi divers que la démagogie tous azimuths des partis politiques, le roman républicain auquel certains Français adhèrent religieusement, la guerre civile en Tchétchénie d’où sort le jeune assassin de S. Paty, le soutien de la République française aux régimes autoritaires du Maghreb… bref, l’affaire Samuel Paty est un angle fermé.

Les profs d’Histoire feraient mieux de laisser à Cyril Hanouna, dont c’est le métier et qui a des gardes du corps, les débats sur des thèmes d’actualité brûlants. Les « débats » en classe ne sont pas moins truqués que les débats télévisés ou les matchs de catch.

Parmi les « perles » de cette BD, on peut lire que « Samuel Paty avait eu une super formatrice à l’IUFM. Elle avait fait une cours sur « comment enseigner les religions en 6e ? ». Il a été mis au parfum très tôt sur ce thème. » (!).

D’autres témoignages du même acabit soulignent la tendance de l’institution scolaire à être réfractaire à l’esprit critique… alors même qu’elle se targue de l’enseigner.

« Crayon Noir », par Valérie Igounet et Guy Le Besnerais, éds Studiofact, oct. 2023.

caricature par Mougey.

Jeux de la honte

Sous le feu des critiques en raison de ses petits arrangements avec la règles comptables, « Le Canard enchaîné » se défend en publiant ses résultats annuels ; ils font apparaître que l’hebdo est le dernier titre de presse français conçu pour des lecteurs et non des annonceurs (sans vouloir faire offense à quelques hebdos plus petits ou ultra-spécialisés, non moins indépendants). Avec « Charlie-Hebdo » qui a pratiquement été nationalisé par F. Hollande, le « Canard » est le principal employeur de caricaturistes aujourd’hui.

Si le titre est globalement en bonne santé (les critiques n’ont pas fait fuir les lecteurs), les dossiers du « Canard Enchaîné », en revanche, se sont mal vendus en 2023.

Le numéro d’octobre des « dossiers » est consacré aux prochains Jeux olympiques de Paris. Son principal intérêt tient dans les caricatures en couleurs de Mougey (cf. ci-dessus), plus à l’aise que Cabu sur ce terrain. A propos de Cabu, ce dossier spécial souligne à quel point il a été cocufié, et tous les écolos de gauche avec lui, par Anne Hidalgo et sa majorité. Celles-ci n’ont eu qu’à recouvrir le béton de vagues promesses écolos pour le faire avaler aux Parisiens. Sans faire d’écologie, la mairie de Londres a réussi à diminuer la circulation des automobiles de 20%, ce qui prouve… la puissance des lobbys industriels.

Le dossier ne révèle rien sur les coulisses nauséabondes des jeux, l’accumulation de mensonges politiques, de trafics douteux, de corruption de fonctionnaires, de tricheries, de pratiques totalitaires, que les réseaux sociaux n’aient déjà dénoncé*. Mais le dossier a le mérite d’en offrir une compilation, que l’on pourra offrir aux candidats écologistes à Noël.

Ce réquisitoire place les organisations humanitaires sur la sellette - on est forcé de se demander dans quelle mesure ces associations ne font pas le jeu des Jeux.

*Le Dr J.-P. de Mondenard mène ainsi depuis plus de vingt ans un combat solitaire contre la pratique systématique du dopage dans le sport professionnel, pointant la responsabilité principale de… l’Agence mondiale antidopage.

Caricatures fraîches par Mike Stokoe (“Twitter”), Kurt (“Nord-Littoral”), Salles (“L’Alsace”), Urbs (“Le Canard enchaîné”) et Zombi (Zébra) :

Caricature par Mike Stokoe.

par Kurt.

par Salles.

par Urbs.

caricature par Zombi.