REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°96

24 Septembre 2023

par Clément Oubrerie.

Dali après Picasso

Encouragés par le succès (mérité) de leur biographie de Picasso (éd. Dargaud), qui remet le génie à sa place sans tomber dans l’hystérie féministe, le duo Julie Birmant (scénario) et Clément Oubrerie ont récidivé en proposant une biographie de Dali. Le peintre catalan élève l’escroquerie au rang de l’art (il serait injuste de dire que tous les artistes surréalistes en font autant).

Dali parvint à gruger André Breton, qui se vengea en le démasquant (le surnommant Avida Dollar), mais ne parvint pas à duper Freud, car Dali donnait tous les signes cliniques d’une excellente santé mentale.

L’hebdo « La Croix » publie en feuilleton cette biographie de Dali, dont le premier épisode nous montre que Picasso ne prenait pas très au sérieux Dali ; les deux artistes ne boxaient pas dans la même catégorie, même s’ils avaient une maîtresse en commun : Paris.

(A propos de la controverse journalistique : Dali était-il nazi ? Réponse : Dali était beaucoup trop malin pour ça.)

La Fête de l’Huma vue par Coco.

L’Humanité ou l’Express ?

Dans “L’Express”, Béatrice Mathieu signe une enquête légèrement ironique sur “L’Humanité” et sa fameuse fête populaire ; l’enquêtrice révèle les petits arrangements de cette publication communiste avec le grand Capital. On imagine que les lecteurs de “L’Express” ont dû être choqués en lisant ça !

Je me demande bien pour qui cette enquête est une révélation ? En 2023 le PCF soutient ostensiblement la politique impérialiste de Joe Biden, et Marine Le Pen est une agente du KGB, rebaptisé FSB ; les politologues appellent ça « l’alternance ».

On lira avec intérêt la contre-enquête de “L’Humanité” sur le financement de “L’Express”, pour savoir pour le compte de qui ce magazine (nous) roule.

Caricature par Deligne.

Rugby partout

A droite de “Le Point” sur l’échiquier politique, à moins que ce ne soit le contraire (?), “Valeurs actuelles” (14 sept.) en fait des tonnes sur la coupe du monde de rugby ; on ne fait pas plus décadent que le rugby, sauf peut-être les films débiles avec des grimaces de Jean Dujardin. Heureusement quand on a touché le fond comme ça, on ne peut que rebondir !

Comme le rugby est l'école du vice, du coup on est tenté de croire à la légende de son invention par un curé.

Le caricaturiste Deligne dans « Valeurs » (ci-dessus) semble prendre un malin plaisir à rabaisser le rugby au niveau des jeux du cirque, comme Bretécher prenait un malin plaisir à rabaisser la sociologie du “Nouvel Obs.” à une fumisterie de bourgeois parisiens.

Les Deux Pantalons par Jacques Callot (1592-1635).

Trésors en noir et blanc

L’histoire de l’art et celle de la presse sont intimement liées au XIXe siècle, pour le meilleur et pour le pire. Mais, avant cette révolution industrielle, la diffusion d’images gravées dès le XVe siècle a joué un rôle scientifique précurseur.

Le Petit Palais expose (jusqu’au 14 janvier) un échantillon de ces gravures, dont certaines représentent encore, plus de quatre siècles après leur publication, des jalons de l’Histoire de l’art européen.

Le noir et blanc indique une intention peu décorative, parfois même philosophique (A. Dürer).

ill. par Tony Johannot.

Tintin ou Don Quichotte ?

“Retour au moyen-âge” : le médiéviste Michel Pastoureau déplorait récemment (dans une itw donnée à la revue “L’Histoire”) l’usage de cette formule péjorative.

Pourtant le retour au moyen-âge dans de nombreux domaines ne saute-t-il pas aux yeux ? Quoi de plus médiéval que cette manie des statistiques, qui n’ont jamais prouvé quoi que ce soit, mais sur lesquelles les diseuses de bonne aventure appuient leurs prévisions comme sur une boule de cristal ?

Pour ce qui est du domaine qui nous préoccupe, quoi de plus médiéval que la bande dessinée ?

Qu’est-ce qui anime « Tintin » dans le fond, prophète de cette religion nouvelle qui n’est pas vraiment nouvelle ? N’est-ce pas l’Aventure, c’est-à-dire le don-quichottisme ?

Certes, pas de Dulcinée du Toboso dans « Tintin » pour aiguillonner l’hidalgo belge… et ne serait-ce pas là le secret de la dépression de Hergé ?

Sans femme, le branle fanatique de Don Quichotte ne se pourrait pas, car comme dit le proverbe : « Derrière chaque fanatique, il y a forcément une femme ».

Quelle œuvre formidable Hergé aurait pu accomplir si, au lieu d’attiser l’esprit d’Aventure, il s’était inspiré du comique de Don Quichotte ! Certes, le capitaine Haddock est bien un ersatz de don Quichotte, mais le personnage a vite été édulcoré pour ne pas effrayer les mères de famille.

L’objection qu’il faut tout une adolescence pour lire le roman-fleuve de Cervantès est inconsistante, car l’existence se résume désormais, pour la plupart de nos concitoyens, à une adolescence. Et puis il y a des versions abrégées bien faites…

Caricatures fraîches par Rémy Cattelain (Twitter), Micaël (La Croix), Chereau (Twitter) & Zombi (Zébra) :

par Rémy Cattelain.

par Micaël.

par Chereau.

par Zombi.