REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°116

30 Juin 2024

Carte postale par Soia et Camille Escoubet (éd. Super Loto)

Lapin contre Lièvre

« Mon Lapin quotidien » est une publication trimestrielle qui cultive l’humour surréaliste et préfère bouder les prochains Jeux olympiques de Paris, que l’on annonce pourtant grandioses.

En textes et en dessins imbriqués les uns dans les autres par un maquettiste-graphiste virtuose, le n°29 de « Mon Lapin » souligne l’infantilisme de cette culture de la performance, dont le sport n’est qu’un prétexte parmi d’autres.

En cette période électorale, on ne peut s’empêcher de remarquer qu’aucun des candidats éligibles n’a osé se prononcer contre l’organisation de Jeux aussi parfaitement nihilistes qu’un manifeste dadaïste.

Quelques petites annonces, brèves et actualités extraites de « Mon Lapin » :

« C’est à la suite d’une erreur de traduction que fut courue aux Jeux olympiques de Paris (2024) un cent dix mètres portes : cette course ressemble au cent dix mètres haies, à la différence que les haies furent remplacées par des portes fermées qu’il faut ouvrir successivement. Les poignées ont une forme réglementaire en œuf. »

« Le surf hippique, un sport à risque ? Oui, sans aucun doute. »

« L’Intérieur recrute : après la police à cheval, à vélo, à trottinette, à moto… A l’occasion des Jeux paralympiques, le ministère de l’Intérieur recrute pour sa toute nouvelle et inclusive brigade de gardiens de la paix en fauteuils roulants. »

Mais encore un palindrome :

“Eh, ça t’épate ? L’EPO dope l’étape. Tache !”

Fétichisme historique ?

Quelle drôle d’idée a eue « France-Inter » de faire la promo d’une BD (par Th. Snégaroff et Louison) faisant le portrait du meilleur ami d’A. Hitler, Ernest Hanfstaengl, surnommé Putzi (éd. Futuropolis) ! Si l’antisémitisme viscéral de Hitler n’était pas rappelé plusieurs fois au cours de l’album, il passerait presque pour un type, si ce n’est sympathique, du moins tout à fait ordinaire ; le futur füher partageait avec le géant Hanfstaengl, rejeton de la bourgeoisie munichoise, fasciné par la politique, rencontré pendant ses années de galère, le goût de la musique classique ; la défaite de l’Allemagne en 1918 était en outre un souvenir commun cuisant (Putzi y avait perdu un frère).

Mais la fortune personnelle de Putzi, dans laquelle celui-ci puisa pour financer les campagnes de son ami Adolf à ses débuts, ainsi que ses relations aux Etats-Unis (il était diplômé de Harvard), étaient des raisons plus solides que le piano pour l’ambitieux politicien de se lier avec un incapable, de surcroît trop bourgeois pour la ligne du parti nazi ; Hitler évincera Putzi dès que le succès électoral sera au rendez-vous.

L’inconvénient de ce genre de bande dessinée est de focaliser l’attention sur quelques personnages et d’occulter que les individus pèsent assez peu, au stade industriel, sur le cours de l’Histoire. Orwell souligne dans “1984” que l’Etat totalitaire est impersonnel ; peu importe l’idéologie et les slogans, en somme, pourvu qu’on ait l’ivresse. Hitler fut avant tout un rhéteur hors-pair, précipitant l’Europe dans une guerre civile atroce dont aucune nation ne sortira victorieuse.

Plus superflue encore, l’hagiographie de Valéry Giscard-d’Estaing en bande dessinée (Chronique éds, 2024). Tous les présidents de la Ve République décédés ont eu droit à cette sorte d’hommage, rempli de dévotion.

L’éloge de Giscard-d’Estaing tombe d’autant plus mal que la promesse de paix de l’Union européenne, à laquelle son nom est associé, comme celui de nombreux politiciens français et allemands depuis 1970, cette promesse s’est volatilisée avec le retour de la Guerre froide en Europe.

Dans l’impuissance des dirigeants actuels allemands et français à s’opposer aux calculs de V. Poutine et de l’OTAN, les historiens verront la responsabilité de leurs prédécesseurs.

Les caricatures de Cabu sont un regard bien plus lucide sur la Ve République que les bandes dessinées en hommage à Pompidou, Giscard-d’Estaing ou F. Mitterrand.

Une poignée d’expos estivales :

  • Une expo. de planches originales d’Hugo Pratt se tient à la bibliothèque du musée Pompidou (jusqu’au mois de novembre) ; on peut y admirer comment cet autodidacte, qui renouvela la bande dessinée d’aventure, s’appropria le style des comics américains en l’allégeant.

  • La duduchothèque de Châlons-en-Champagne propose une expo. de caricatures sur le thème du sport, ou plutôt de ce qu’il en reste.

  • Saint-Just-Le-Martel, haut-lieu creusois de la caricature, propose aussi une expo. sur le thème des Jeux olympiques et paralympiques… sous l’angle de l’humour, les organisateurs tiennent-ils à préciser ; ce n’est pas tout à fait exact, puisque cette expo. est couplée à une expo. rétrospective d’affiches des JO.

Quelques caricatures fraîches, par François Maumont (“La Croix-hebdo”), Dean (“Private Eye”), Sié (“Siné-Mensuel”), Juin (“Charlie-Hebdo”), Urbs (“Le Canard enchaîné”), Delestre (“Twitter”) & Zombi (“Zébra”) :

par F. Maumont

par Dean (traduit de l’anglais)

par Juin

par Sié

par Urbs

par Delestre

par Zombi