REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°91

4 Juin 2023

L’avant-dernier cercle

La « Résidence autonomie » est l’avenir de bon nombre de Français à plus ou moins long terme (comptez 1800 euros/mois environ) ; c’est comme qui dirait l’avant-dernier cercle de l’Enfer, juste avant l’EHPAD et le « clap » de fin. Une sorte d’algorithme (AGGIR) décide de la translation d’un résident d’un cercle à l’autre, en fonction des signes de la perte d’autonomie. L’air de rien, ça rassure de savoir que la gestion de l’Enfer est entre les mains de personnes diplômées.

Pas besoin de diplômes, en revanche, nous explique Eric Salch (« Charlie-Hebdo »), pour mettre en application les protocoles conçus en haut lieu. Dans un style qui doit plus à Reiser qu’à Dante Alighieri, Salch montre que force, patience et endurance (une sorte de « super-résilience ») sont les qualités requises pour exercer le métier de veilleur de nuit en Résidence autonomie. (L’autonomie des 45 résidents confiés à la garde de Marc est relative à l’état végétatif des résidents d’EHPAD.)

Marc est le « héros », si l’on peut dire, de cette bande dessinée. Il est assez naïf pour croire, au début de cette aventure professionnelle, que son travail de nuit sera un travail reposant. Son formateur, Ahmad, s’empresse de le détromper : le veilleur est équipé en permanence d’un biper, relié à 45 résidents qui bougent encore, malgré l’administration régulière de tranquillisants - une part du job consiste à distribuer la came.

« L’affaire Orpéa », du nom d’un des principaux groupes privés gestionnaire d’EHPAD en Europe, a récemment permis au grand public de découvrir les méthodes typiquement capitalistes d’aprofitement en vigueur dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Si, répondant au stimulus des médias, l’indignation du public est vite retombée pour passer à autre chose, l’image d’une profession d’ores et déjà peu attractive a cependant été ternies. Et on ne peut pas dire que Salch s’emploie beaucoup à redorer le blason des EHPAD.

Autant dire que la légalisation de l’euthanasie pourrait ruiner l’Etat (qui a nationalisé Orpéa) encore un peu plus ; un calcul simple permet d’évaluer le bénéfice colossal de quelques années de souffrance supplémentaires par tête de pipe. L’euthanasie des plus pauvres, elle, ne poserait pas de problèmes budgétaires, au contraire - mais elle risquerait de faire des jaloux.

Résidence autonomie », par E. Salch, ed. Dargaud, 2023.

A la croisée des sexes

L’histoire, ou plutôt la situation décrite ici par Clara Lodewick, est typiquement belge, dans la mesure où elle a un fin heureuse, peu compatible avec la conception de la littérature en vigueur de ce côté-ci des Ardennes.

Clara Lodewick n’a pas été soutenue pour rien dans son travail par la fondation Wallonie-Bruxelles.

Merel est une jeune femme plus très jeune, obstinément célibataire ; cela suffit pour faire d’elle une quasi-marginale dans son village des Flandres, où elle élève des canards et remplit quelques colonnes de la gazette locale avec une chronique sportive.

Or le célibat de Merel n’est pas assez strict pour que de brèves liaisons réelles et supposées avec ses copains d’enfance, entretemps mariés, ne lui attirent des ennuis. Tandis qu’un auteur moins belge aurait été tenté de faire éclater dans ce vase clos d’ennui campagnard quelque crime sordide et/ou spectaculaire, tout l’intérêt réside ici dans la manière dont Merel va dénouer cet écheveau.

De surcroît on observe que, dans une campagne presque entièrement déchristianisée, où le rôle du prêtre se borne désormais à célébrer mariages, baptêmes et enterrements, le football et ses rituels ont remplacé ceux de la religion catholique, réunissant les sexes opposés, tout en préservant leur altérité.

Merel se trouve ainsi à la croisée des sexes, comme les curés de village quand il y en avait encore (qui n’étaient pas tous strictement homosexuels et célibataires).

La bande dessinée de Clara Lodewick se présente d’ailleurs comme un substitut au sermon dispensé en chaire au temps des Brueghel.

« Merel », par Clara Lodewick, éd. Les Ondes Marcinelle (Dupuis), août 2022.

Mensuel Zébra n°112 (Juin 2023)

Le n° de Juin est paru !

Quelques caricatures fraîches signées El Diablo (Twitter), Decressac (Facebook), Schvartz (“Charlie-Hebdo”), Lara (“Le Canard enchaîné”) et Zombi (“Zébra”) :

Caricature par El Diablo.

Caricature par Decressac.

Caricature par Schvartz

Caricature par Lara.

Caricature par Zombi.