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REVUE DE PRESSE BD & CARICATURE ZEBRA N°92
18 Juin 2023
Par Chaunu.
Caricature sulpicienne
Le caricaturiste Chaunu (“Ouest-France”) a inventé un nouveau style de caricature : la caricature “sulpicienne” ; il ne s’agit plus de brocarder, charger, critiquer, tourner en dérision… mais de rendre hommage. Ici aux bébés, victimes d’un déséquilibré errant dans un parc d’Annecy.
Marianne est représentée ici en pleurs, mais ça pourrait aussi bien être la Vierge Marie - preuve que la République, elle aussi, a ses culs-bénis.
A vrai dire Chaunu n’est pas le seul représentant de cette école, puisque Plantu publie aussi régulièrement des hommages sur Twitter (aux soignants, aux flics victimes d’accidents de la route, à la résistance ukrainienne…).
Hommage au film “Fantasmagorie” d’E. Cohl par Frick.
Quand Annecy s’anime
Le fait divers dramatique survenu dernièrement à Annecy n’a pas eu pour effet d’ajourner le Festival du dessin-animé, qui s’y est tenu du 11 au 17 juin, l’un des plus prestigieux. Le comité d’organisation a jugé plus sage de ne pas annuler ces réjouissances.
Selon certains érudits, c’est un caricaturiste, Emile Cohl, émule d’André Gill, qui inventa le dessin-animé au début du XXe siècle ; d’autres, plus érudits encore, remontent à la Grèce antique, attribuant la paternité de cet art séquentiel au mathématicien Zénon d’Elée (490-430 av. J.-C.) qui, grâce à ce procédé, raconta comment Achille-aux-pieds-légers ne parvint jamais à rattraper une tortue anonyme partie un peu avant lui, démontrant ainsi à ses élèves médusés que le Temps n’était autre qu’une… illusion.
Et Aristote de répliquer (en substance) : - Le dessin-animé est seulement bon pour les gosses !
(Ci-dessous un petit exemple de dessin animé caustique de fabrication espagnole : “Loop”, récompensé aux “Goya” en 2023.)
Bouvard et Pécuchet rédigeant le Dictionnaire des idées reçues.
Vacances propices
« Ils rabâchaient ainsi les mêmes arguments, chacun méprisant l’opinion de l’autre, sans le convaincre de la sienne. »
“Bouvard & Pécuchet” (1881).
Les vacances qui s’en viennent ne sont-elles pas l’occasion de lectures plus consistantes que la bande dessinée ?
Plus consistant ne veut pas dire plus épais, mais plus concret, moins intellectuel. Après avoir lu « Bouvard & Pécuchet », le lecteur de G. Flaubert possèdera ainsi sa propre définition pragmatique de « la gauche » et « la droite » ; la droite, c’est Bouvard, et la gauche c’est Pécuchet—deux cons qui nous font plus rire que leurs émules, car Flaubert s’est démené pour que ces deux militants soient cocasses.
B. & P. ne sont, au départ, que de simples scribouillards (copistes professionnels) ; mais leur ambition, leur optimisme, incite plutôt à placer les deux compères au rang du journalisme, honni par Flaubert.
Pourquoi la bourgeoisie, qui était encore « une » sous Daumier et Balzac, se dédouble-t-elle en « gauche » et « droite » au XXe siècle ?
D’abord parce qu’elle prend désormais toute la place, et que la nature a horreur du vide. Flaubert avait prévu la disparition des types comme lui, que le ping-pong idéologique exaspère (Gustave préférait nager dans la Seine). La bourgeoisie n’a plus, au XXe siècle, d’adversaire sérieux - sa victoire est totale. Elle peut hisser le drapeau multicolore de la Culture.
L’autre cause est élucidée par Flaubert, à travers le personnage de Pécuchet, le gauchiste typique. Pécuchet est plus sentimental, plus sincère, plus naïf que Bouvard… toujours vierge aussi, ce qui ne compte pas pour rien dans la psychologie de l’homme de gauche (le vrai, pas F. Hollande ou F. Mitterrand).
La gauche est indispensable pour tirer un trait d’union entre la bourgeoisie et le populo, compte tenu de l’étiolement du clergé catholique, qui laisse le peuple sans pasteurs. Flaubert avait d’ailleurs prévu la disparition des “âmes simples”, capables de se contenter d’une religion simple, bien que pleine de fantaisie. L’enrichissement de la France au XXe siècle a tout compliqué ; l’argent complique tout, y compris la religion (psychanalyse et sociologie comblent aujourd’hui l’appétit des personnes mystiques moins pauvres).
Complétant cette analyse, un prof de lettres (Francis Lacoste) suggère de voir en Bouvard et Pécuchet des caricatures de Danton et Robespierre. Ce dernier est une sorte de Savonarole laïc ; discréditée dans l’opinion publique par l’aristocratie, la morale chrétienne devait être renouvelée sur le mode “laïc”, pour le compte de la bourgeoisie. Telle n’était pas l’intention de Robespierre, fanatique aussi sincère qu’un mollah peut l’être, mais l’histoire enseigne qu’il y a toujours un Danton (un type plus adroit) pour tirer à soi la couverture du fanatisme. Il va de soi que Bouvard & Pécuchet s’entendent comme tenon et mortaise, tout comme la gauche et la droite se sont entendues pour creuser le déficit de la France au long du siècle.
Contrairement à celle de V. Hugo, la littérature de Flaubert est impropre à servir de fondement au catéchisme républicain.
Quelques caricatures fraîches par Marc Schmitt (“Zébra”), Lindingre (“L’Est républicain”), Placide (Facebook), Will McPhail (“The New-Yorker”) et Zombi (“Zébra”).
par Lindingre.
par Placide.
par Will McPhail (trad. de l’américain).
par Zombi.